10 solutions pour (dé)passer la crise

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Les entreprises n’ont pas attendu les soubresauts des marchés financiers pour s’intéresser de près à leurs budgets «déplacements professionnels». Engagées depuis trois ans et la chute de Lehman Brother, les économies drastiques ont porté leurs premiers fruits et des changements d'habitude certains. La crise ? Moi connais pas ? Presque pas : en 2012, face aux risques financiers, la bataille sera celle du moral et de l'optimisation. Ce ne sera pas la seule !

10 solutions pour (dé)passer la crise
Face à la tension des marchés, à la baisse de la consommation et devant les commentaires contradictoires des médias et des experts, bien malin qui pourrait affirmer avec précision ce qui se trame pour ces deux prochaines années ! Pour comprendre cette crise, dix conseils élaborés par des spécialistes et commentés par les professionnels du domaine. Dix pistes et non dix vérités. Car là est la difficulté. Il ne faut pas exprimer des idées en règles de gestion mais ouvrir de petits chantiers de réflexion adaptés à la taille de l’entreprise, son activité et surtout à sa culture interne. A chacun d’appliquer ce qui lui semble le mieux adapté à sa politique de déplacements professionnels.

1 - Du moral, encore du moral, toujours du moral !

Le premier moteur de l’entreprise, c’est la confiance qu’elle porte en elle. Celle qu’elle sait transmettre à ses cadres et à tous ceux qui la représente à l’extérieur. «Perdre le moral n’a jamais un impact immédiat sur l’activité», souligne Georges Goentz, sociologue, qui précise que «Le résultat est pire car la perte de moral ou de combattivité ne se verra que six à huit mois plus tard, à un moment ou redresser la barre est plus complexe et demande des sacrifices humains encore plus importants». Tout cela ressemble bien aux conséquences annoncées de la crise économique. «Il faut prendre en compte la demande de réassurance de l’entreprise qui a besoin de savoir qu’elle s’en sortira dans les moments difficiles», poursuit l’homme de l’art «On ne peut mettre en place un plan d’économie sans l’expliquer, l’intégrer à la politique à court terme de l’entreprise ou sans évoquer la réactivité immédiate». En clair, il faut apprendre à tenir ses équipes et à leur insuffler un moral d’acier. «Séminaires, formations et présences de coachs sont des armes utiles en ces périodes difficiles même si elles peuvent apparaître un peu couteuses», conclut Georges.

2 - Il faut OSER

«Plus l’époque est difficile, plus elle appartient à ceux qui osent et qui innovent», affirme tout net Scott Gillespie. «En période de crise, il faut un conquérant à la tête de la société ou du moins comme responsable du développement. Il faut anticiper la reprise et se positionner intelligemment sur les marchés émergents ou susceptibles de reprendre rapidement». Contrairement aux idées reçues, limiter les déplacements commerciaux ou technologiques, c’est s’amputer, lentement mais sûrement, de lendemains qui chantent. Toutes les crises le démontrent clairement, on se construit au son du canon, quand tout va mal. «On s’oblige à travailler plus, à rechercher de bonnes idées, à se dépasser. Pour donner des signes forts à ses voyageurs, il est conseillé de créer des cellules de réflexion autour du sujet. C’est un vrai signe qui est donné aux équipes : agissons ensemble pour faire mieux».

3 - Apprendre à évoluer

Il ne peut y avoir de Travel Management sans doutes. Tous les experts le disent, c’est à la fois par la veille, la recherche et les erreurs commises que se construit le poste. Mais au-delà du doute, il faut savoir installer la méthode qui limite les risques et surtout facilite la recherche des solutions optimisées évoquées plus haut. «L’analyse ne se limite pas seulement à son périmètre d’intervention, que ce soit en tant que Travel manager ou en tant que voyageur», détaille Alain Bergson, aujourd'hui consultant chez Gartner, «L’analyse, c’est à la fois l’optimisation du reporting fournisseur, du restitué par le voyageur et des attentes du top management. Une sorte de tableau de bord géant fait de chiffres, de sentiments et de faits». Tout cela doit conduire le responsable voyage, qu’il soit Travel Manager ou acheteur, à devenir force de proposition pour assurer une meilleure gestion de la crise et avoir une visibilité à moyen terme sur les évolutions de ses marchés. «On peut aussi imaginer que l’entreprise ne change rien à ses habitudes», constate le sociologue d'entreprise Georges Goentz, «Et qu’elle reste fixé sur ses objectifs à long terme, au-delà de la crise. Faire l’autruche est aussi une façon de passer la crise».

4 – Croire en la technologie

«Rien ne remplace l’homme…», cette idée est aujourd’hui dépassée. La technique l’assiste suffisamment pour lui piquer sa place. Et de fait, sommes nous faits pour répéter des gestes sans chercher à les améliorer? «Bien sûr que non !», tonne Georges Goentz, «Aujourd’hui, c’est dans la technique que se trouvent les gains de productivité et d’efficacité. Dans le voyage d’affaires, la gestion automatisée des déplacements professionnels, de l’ordre de mission à la note de frais voire à l’intégration du projet est essentielle». Il reste qu’il faut aussi savoir l’adapter aux petites et moyennes entreprises. C’est facile de se tromper ou d’essuyer les plâtres quand on est une entreprise du CAC 40, c’est plus compliqué pour une entreprise de 100 personnes obligée de faire avec la concurrence. Enfin, si la vidéoconférence a depuis longtemps conquis ses lettres de noblesse, il ne faut pas gommer les relations humaines directes. Ce sont elles qui assurent le maintien du moral des équipes décentralisées et qui expriment la bonne santé de l’entreprise auprès de ses clients lointains, eux aussi touchés par la baisse des affaires.

5 - Optimiser pour avancer

En un mot, il faut savoir prendre le taureau par les cornes pour bousculer les idées reçues et en imposer de nouvelles. Si l’on a compris depuis longtemps le besoin d’optimiser les déplacements professionnels, force est de constater que les résultats ne sont pas forcément à la hauteur. Proposer de nouveaux services, s’appuyer sur les expériences des voyageurs et écouter (surtout écouter) les attentes plus que les besoins sont des qualités essentielles en cas de crise. Autant de points forts pour reconstruire les voyages d’affaires en fonction de leur réelle utilité, de leur apport à l’entreprise et surtout de leur consommation par le voyageur d’affaires. Imposer des restrictions aériennes en laissant la porte ouverte pour les dates de départ est l’exemple type de cette optimisation du voyage via le dialogue interne.

6 - Gérer les demandes

Accepter, c’est facile. Refuser, c’est plus complexe. Et pourtant, face aux réductions des coûts, c’est la maîtrise de la demande qui donne leurs lettres de noblesse aux Travel Managers. «Il est facile de se cacher derrière la politique voyage de l’entreprise pour refuser une demande, même justifiée, de dérogation», remarque Peter Salomon, consultant pour Pricewaterhouse Coopers, «Il est plus difficile de l’étudier et de sortir de son rôle strict de Travel Manager pour aller défendre ces dérogations auprès de son top management. Et pourtant, en cas de crise plus que dans tout autre cas, c’est cette audace qui permet de réécrire les limites de la politique voyages. Elle permet la créativité attendue pour aller plus loin dans le développement de l’entreprise».

7 – Rationaliser, pour impliquer

Rationaliser, voilà bien un mot galvaudé, usé par des décennies de procédures internes qui lui ont fait perdre tout intérêt. Et pourtant, si l’on observe ce qui s’est mis en place aux Etats-Unis depuis deux ans, le voyage d’affaires n’est plus une activité suffisamment isolée et complexe pour demander un service dédié. Aujourd’hui, on parle de «Fleet Manager» et de «Mobility Manager» pour prendre en charge toutes celles et ceux qui sortent de l’entreprise pour la représenter, techniquement ou commercialement. Dans un livre paru en 2006, Jack Jeffrey, consultant pour la Business Travel Association - et grand manitou des déplacements professionnels pour les studios Universal - regrettait «Les lenteurs à développer une vision panoramique, horizontale et pertinente de ce qui fait le déplacement professionnel. Il peut y avoir une différence de traitement d’une star et d’un chauffeur de camion d’éclairage. Cette différence n’existe que dans la politique voyages appliquée à chacun d’entre eux. Pas lors de la préparation, la transmission de la commande, son suivi ou son retour d’expérience».

8 – Regarder, comparer, observer

Une idée qui paraît neuve est vite distillée dans la tête de pas mal de monde. La crise, c’est souvent apprendre à observer au-delà de ce qui est connu pour s’obliger à inventer. Facile à dire ? «On doit toujours faire en sorte d’utiliser la crise comme un élément de comparaison avec ce que l’on fait et ce que font les autres», soulignet Georges Goentz, «On doit triturer la crise pour qu’elle produise des effets qui iront au-delà de la période pour devenir parfois de vrais process. Il n’y a pas de honte à mettre en place des méthodes de benchmark qui peuvent très largement s’inspirer de ce que font les concurrents. Mesurer doit permettre de jauger son travail et surtout d’établir un retour de performance indispensable à toutes négociations avec les fournisseurs». Un avis confirmé par Alan Quert, auteur d'une étude sur les évolutions du benchmark pour le cabinet Global Access One : «Il faut comparer au-delà de ce qui est financier. On peut aussi benchmarker les méthodes, leur rapidité, leur efficacité voire même leurs défauts. En cas de crise, l’étude de l’environnement global est plus importante que l’analyse des coûts. L’économie n’est pas seulement dans la fonction achat mais aussi dans la faisabilité».

9 – Sans affectif, ni nonchalance

«Aune décision ne peut être prise en toute indépendance si la pression de l’environnement est forte», affirme Georges Goentz, «C’est l’un des écueils qu’il faut apprendre à passer. Le rôle même du Travel Manager ou du chargé de voyages est d’avoir une vision panoramique, au dessus des services, de tout ce qui fait le déplacement professionnel de l’entreprise. Il faut donc détacher le relationnel de sa prise de décision». Pour ce spécialiste de l’entreprise, si la tâche est difficile voire impossible, c’est à un consultant externe qu’il faudra confier la mission de remettre les pendules à l’heure. «Mais attention», poursuit-il, «Pas un mercenaire, mais un analyste qui pèsera tous les éléments du dossier avant de faire des préconisations. Il s’agit d’étudier et non de bousculer par principe».

10 – Il faut échanger !

Si les entreprises ont appris à compter, il leur faut désormais apprendre à parler. A communique et échanger sur les choix stratégiques qu’elles prennent. «Il n’y a rien de pire que l’intranet, qui se veut communiquant mais au final transmet les décisions de haut en bas, en annonçant les décisions du top management», explique Georges Goentz, «C’est tragique en terme d’image donnée et catastrophique pour le moral des cadres et des équipes de direction. En crise, il faut assumer ses choix et surtout les expliquer». Un avis largement partagé par Kevin Maguire, Travel Manager des universités du Texas, «On sait aujourd’hui que l’échange dans l’entreprise est la seule solution pour faire passer des idées qui ne seront pas immédiatement qualifiés de graves si elles transitent seulement par notes de services électroniques. La communication est trop souvent absente du métier de Travel Manager. Sans doute parce qu’il n’est pas formé et habitué à le faire». Tout un chemin à parcourir.

Marc Dandreau