2017, une année blanche pour le voyage d’affaires?

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Il y a toujours eu, quelles que soient les années, des périodes de grand calme dans l'actualité quotidienne du voyage d'affaires. Après un salon IFTM réussi, le business Travel semble s'être assoupi faute de grain à moudre. Le bel endormi ne demande qu'à se réveiller, encore faut-il qu'il trouve de quoi le faire. Le voyage d'affaires manque-t-il de dynamisme ? "Oui", serait-on tenté de dire en regardant son actualité quotidienne que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Asie.

Air France, en annonçant sa politique de frais pour toutes les réservations faites via GDS, aurait pu s'attendre à une levée massive de boucliers de la part de la distribution de proximité voire des acheteurs du CAC 40. Si le sol commence à gronder face à la Bronca qui s'annonce autour du NDC, force est de constater qu'une bonne partie des interrogations ne trouveront les réponses qu'au premier semestre 2018. Cela ne veut pas dire pour autant que les critiques ne fusent pas et que les oppositions ne se mettent pas en place. Le syndicat des agences de voyages, l'ex SNAV devenu les "entreprises du voyage", souhaite avoir plus de temps pour travailler à la mise en place d'un système équitable. Pas certain qu'il obtienne un délai.

De l'autre, les acheteurs s'interrogent sur ce qui se passera au 1er avril 2018 et la réalité des frais supplémentaires engendrés par la décision d'Air France. Oubliés les premiers commentaires qui évoquait la présence d'un contrat avec AF pour rejeter l'idée du NDC… La réalité est toute autre. Si le vers est désormais dans le fruit, les premières réponses, loin d'être fournies, ne permettent pas d'analyser froidement, sans affectif, les conséquences d'une telle décision. Il faudra donc attendre !

Aux USA, nous en parlions ces dernières heures, c'est l'attentisme technologique qui prime. Pas de nouvelles versions des outils les plus utilisés dans les entreprises pour gérer les déplacements professionnels. Elles sont quasiment toutes repoussées de quelques mois. Rien de neuf non plus dans la mobilité personnelle et des projets, beaucoup de projets, qui restent encore dans les cartons malgré les annonces tonitruantes du premier semestre.

Même dans les grandes TMC, rien ne bouge vraiment. On attendait des surprises du côté d'Amex GBT, elles ne se sont pas concrétisées faute de résultats financiers à la hauteur des attentes des investisseurs. Seule certitude, celle répétée par les analystes outre-Atlantique qui promettent des réductions drastiques d'effectifs seules capables d'améliorer la marge opérationnelle des agences face à une baisse répétée des fees.

CWT serait-elle à vendre ? Voilà la rumeur qui circule dans les milieux américains du voyage d'affaires. La famille aurait-elle pris la décision d'investir ailleurs que dans le business travel ? "Balivernes et vues de l'esprit" répondent les proches du dossier qui contestent les analyses financières hâtives que l'on a pu lire ci et là. Pourtant, comme le prédisent les spécialistes, une consolidation de cette nature entre deux géants du domaine leur donnerait une belle longueur d'avance sur le marché. Mais les économistes ne font pas le business. Heureusement !

En Asie, la problématique du moment réside dans l'évolution du transport aérien. Face à des low cost agressives et à des projets tout aussi dangereux, les majors du transport aérien que sont Singapore Airlines ou Cathay Pacific doivent faire face à une concurrence exacerbée dont les ramifications se prolongent jusqu'en Australie où les premières low cost long-courrier sont annoncées pour 2018. Avec des prix du transport en baisse de 4% en 2017 sur les liaisons régionales, et l'annonce d'un accord de ciel ouvert entre l'ASEAN pour 2018, la situation est loin d'être claire et la bataille qui s'annonce inquiète les banques et les investisseurs locaux.

La Chine aussi attend. Sans doute une reprise plus forte que celle espérée en 2017 et qui semble faire défaut au pays. La relative baisse des commandes venues des quatre coins du monde associé à la hausse du niveau de vie inquiètent les dirigeants qui veulent désormais parler d'investissement responsable comme ceux réalisés dans la Comac qui espère concurrencer Boeing et Airbus avant la fin 2030, c’est-à-dire demain.

Dernier univers qui bouge peu ou pas, celui des transporteurs aériens des pays du golfe. Tous les observateurs l'écrivent : ils auraient mangé leur pain blanc et ne doivent plus désormais s'attendre à des résultats exceptionnels comme ils les ont connus ces dernières années. Pour les voyageurs d'affaires, Dubaï ou Doha restent des plates-formes essentielles pour se rendre en Asie à des tarifs ultra compétitifs. Mais il est vrai que cette situation ne saurait durer sans poser des problèmes de rentabilité à des compagnies d'État. Leurs investisseurs ne veulent plus aujourd'hui le faire à fond perdu. Étihad en est un bel exemple. Abu Dhabi ne cache pas "réfléchir à l'avenir".

On pourrait ainsi égrener la longue liste des fournisseurs plutôt attentifs en cette fin d'année que combatifs. Tous savent que les changements engagés vont conduire à des consolidations et à l'émergence de nouveaux systèmes et de nouveaux outils qu'ils ne maîtriseront pas forcément. Enfin, l'instabilité géopolitique confortée par les déclarations intempestives de certains grands dirigeants du monde ne porte pas à l'optimisme. C'est sans doute ce qui explique aujourd'hui, au sein des entreprises, que les acheteurs préfèrent jouer la carte de la prudence plutôt que de l'investissement. On pensait que le second semestre 2017 serait celui d'une très forte reprise du voyage d'affaires… On en doute un peu plus aujourd'hui. Certes, les chiffres seront meilleurs mais bien loin de ceux attendus par les cabinets d'étude.

Ni pessimisme, ni optimisme, telle pourrait être la devise des professionnels du voyage d'affaires et des acheteurs. Prendre son temps est la meilleure solution pour voir clair dans sa stratégie et analyser le monde qui nous entoure pour préparer l'avenir.
Visiblement c'est l'état d'esprit actuel du business Travel. Celui qui effraie les fournisseurs qui voient à nouveau les grandes décisions reportées. Le bonheur des uns… Vous connaissez déjà la suite.

Hélène Retout