2018, l’année de la technologie aux USA

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Pour le monde du voyage d'affaires, 2017 n'aura été qu'une année de transition. Aux États-Unis, comme au Canada d'ailleurs, l'heure des grands projets n'a pas encore sonné. Il faudra attendre l'année prochaine pour concrétiser des pistes de travail nées il y a près de 24 mois. Pour les nouvelles générations de développeurs, tout existe mais tout est à inventer !

2017 qui se termine aura marqué les esprits par la montée en puissance de l'intelligence artificielle. Mais 2017 restera comme l'année des promesses d'avenir. Des projets à construire et des développements à engager. Aujourd'hui, alors que la technologie va vite, plus vite que les idées, la mise en place concrète des premiers prototypes fonctionnels est une affaire de mois.

Mise à toutes les sauces, la technologie annoncée comme les Tables de la Loi du voyage d'affaires ne devrait pourtant pas donner le meilleur d'elle-même avant deux ou trois ans. Et les utilisateurs "élus" ne seront pas nombreux. La prime au plus innovant est engagée. Dans la Silicon Valley, plus d'un millier de sociétés se consacrent à l'intégration de l'intelligence artificielle dans des objets connectés, des logiciels ou des moteurs de recherche. Pour l'entreprise, la promesse est immense : de la gestion analytique des profils à l'optimisation des dépenses en passant par un retour sur investissement optimisé, toujours rattaché à une analyse en temps réel des besoins clients.

On ne sait pas encore très bien qui sera le premier à montrer très concrètement des outils construits autour de l'intelligence artificielle. Beaucoup de pistes sont aujourd'hui développées, beaucoup d'annonces sont faites mais rien de très concret dans le quotidien du voyageur d'affaires si ce n'est pour la gestion de certains profils et l'association des déplacements à un agenda de travail.
Pour tous les experts concentrés sur le sujet, la technologie de l'intelligence artificielle ne peut exister qu'en association avec d'autres. On le sait, le vocal, dont Google a fait l'un de ses objectifs à très court terme, devrait très rapidement devenir un système de réservation pour les voyageurs d'affaires. Que ce soit via des enceintes connectées, des logiciels de parsing des mails ou plus simplement par des demandes formulées par le voyageur lui-même, la voix permet un dialogue immédiat avec tous ces outils et un retour d'information quasi-instantané autour de la demande formulée.

Nous l'avons écrit ici même, l'intelligence artificielle n'a de valeur que si elle est associée à la data, la nourriture de base de tout système évolutif et qui n'est pas forcément simple et facile à manier au sein de l'entreprise. D'autres univers sont donc directement optimisés par l'IA. La création d'algorithmes de reconnaissance ou de construction est devenue également une nouvelle voie de travail pour les développeurs. L'intérêt, c'est qu'ils analysent l'immédiat à partir de données simples souvent présentes sur les ordinateurs de l'utilisateur. La montée en puissance de la distribution directe des compagnies aériennes, via la couche NDC, est un exemple intéressant car faute de disposer d'un contenu exhaustif, ce sera à l'algorithme d'aller chercher les compléments d'information pour optimiser les choix et faciliter la comparaison tarifaire.

À l'évidence, les compagnies aériennes ont déjà fait savoir qu'elle ne voulait pas forcément s'intégrer à des agrégateurs dont la finalité serait de travailler par comparaison plus que par compilation. On comprend aisément pourquoi Google récupère son API construit autour d'ITA, une entreprise qu'elle avait acheté il y a déjà plus de 5 ans. La firme californienne est aujourd'hui la seule capable de proposer de l'information multi sources, complète et déjà analysée en fonction des attentes de l'utilisateur. On le voit, quitter les GDS pour passer sous les fourches caudines de Google est désormais le risque le plus présent que l'on rencontrera ces prochaines années. La faute à la techno.

Parmi les grandes mutations technologiques qui s'annoncent, les calculs d'un retour sur investissement construit sur des analyses bien plus poussées que les dépenses connues de voyage devraient très rapidement être proposées par les grandes TMC. En quoi consiste le système ? En une analyse poussée de l'entreprise visitée qui prend en compte ses résultats économiques, ses projets, ses attentes, sa relation fournisseur sans oublier les dépenses déjà réalisées avec son fournisseur. Au final, ce ne sont pas moins d'un million d'informations analysées en temps réel qui vont alimenter des outils capables de prédire l'intérêt - ou non - d'un déplacement professionnel voire son remplacement par une vidéo conférence ou, encore mieux, par un simple et basique appel téléphonique. Là encore, l'intelligence artificielle associée à des algorithmes d'analyse va permettre très rapidement de fournir au Travel manager un conseil judicieux, économiquement justifié.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, nous ne sommes pas dans la science-fiction. Plusieurs prototypes tournent déjà et des annonces devraient être faites avant la fin du premier semestre 2018. En France, des entreprises comme iAlbatros, aujourd'hui dans le giron de Sodexo, sont en avance sur le sujet. En Allemagne, le groupe Volkswagen a des solutions de ce type pour optimiser les déplacements professionnels et en limiter les coûts. Siemens a de son côté des accès directs aux stocks de Lufthansa pour étudier l'intérêt de la distribution directe et le développement de plates-formes dédiées.

On sait désormais que toutes ces technologies ne sont pas le simple fruit d'une imagination des ingénieurs, biberonnés à la science-fiction et peu ou pas conscient des objectifs économiques. Mais au-delà, ce sont les interfaces graphiques proposées à l'utilisateur qui font l'objet de toutes les attentions. On a vu la mutation des GDS sur ce sujet. On attend les propositions des agrégateurs pour les couches NDC… il en va de même pour tous ces nouveaux outils qui dépassent le stade du SBT pour devenir des agents de voyages numériques intelligents. Alors bien sûr on se dit que le robot va rapidement remplacer l'humain sur le sujet. Ce serait mentir que de penser le contraire. Jamais le voyage d'affaires n'a été aussi près de se passer de l'homme pour la réservation. Sauf pour quelques cas complexes qui seront résolus dans moins de 5 ans.

Pour tout ce qui touche la réservation simplifiée d'un avion d'un hôtel… L'humain est un accessoire optionnel. Les TMC le savent et la multiplication des plans sociaux qui s'annoncent viendra concrétiser cette vision. La construction d'un SBT, fut-il aussi puissant que ceux de KDS ou Traveldoo, ne peut plus se passer désormais de l'analyse du passé, des attentes du futur et de la compilation des informations déjà en possession par l'entreprise.

Tous ces changements, qui seront sans aucun doute matérialisés dès 2018, donnent le ton des cinq prochaines années. Plus qu'une petite évolution, on approche enfin (ou malheureusement) de la véritable révolution, celles annoncée depuis des années et dont on perçoit seulement les prémices.

Aux USA, les "guerriers de la route" c'est le nom donné aux grands voyageurs, attendent avec impatience ses outils de simplification et d'analyse. Car eux n'oublient jamais que le déplacement professionnel n'est que la conséquence de leur métier, en aucun cas un job à part entière.

A New York,
Philippe Lantris