Patriotisme économique : le mot est lâché, et c’est Air France qui fait les frais de ce relent protectionniste mais sélectif, avec des pressions venant de l'Assemblée jusqu'au Gouvernement. L’ancienne compagnie nationale pensait peut-être avoir coupé le cordon : la fronde lancée par près de 150 députés sonne comme un rappel au bercail. En cause, la fameuse «méga-commande» d’avions que doit passer Air France dans les semaines à venir, et pourrait en partie échapper à Airbus, au profit de Boeing. Si l’ampleur de cet achat massif d’appareils long-courriers – une centaine tout de même – semble faire perdre la tête à beaucoup, les ambitions nationales n’en restent pas moins limitées. A l’heure de la mondialisation, des fusions en cascade entre les compagnies aériennes, qu’en est-il donc de ce patriotisme économique dans l’aérien ? Doit-on – et peut-on – contraindre une société privée à voler "made in France" à tous prix ? Air France est-elle encore une compagnie nationale ? Autant d’interrogations qui fragilisent une posture certes défendable, mais qui relève peut-être autant de l’intérêt économique que du symbole, et de politique.
Si Air France devait être garant de cet intérêt national, pourquoi ne pas confier au Ministre des transports le choix du programme de la compagnie, pour desservir les aéroports de province soumis à la pression des compagnies low-cost, et contribuer ainsi au développement des Régions ? Une fois encore, le secteur aérien chamboule les rapports de force, et pousse l’Etat à monter au front. Après tout, c’est de bonne guerre, et les États-Unis, pour ne citer qu’eux, ne se privent pas de faire valoir la préférence nationale, en particulier dans des temps difficiles. Comme d'autres en période pré-électorale. Il reste donc à sortir de ce jeu hypocrite, et définir clairement quelles sont les chasses gardées des États, et à quelles conditions. Ou laisser faire le marché, et faire taire la "ballade des gens qui sont nés quelque part" ?
Florian Guillemin