Air France, Qantas, British Airways font la grève de la grève

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Face à l'escalade sociale qu'ils croisent depuis des années, certains patrons de compagnies aériennes veulent désormais s'opposer au toujours plus syndical qui, selon eux, "met en péril l'avenir du transport aérien". Sans le citer nommément, Michael O'leary, apparaît aujourd'hui à leurs yeux comme un "expérimentateur social intéressant" qui, malgré des exagérations permanentes, "obtient des résultats économiques hors du commun". En off, beaucoup de spécialistes de l'aérien sont persuadés que le modèle social d'Air France est fini. Place au réalisme.

Tim Clark, le patron d'Emirates, a toujours expliqué que le poids du social dans la gestion d'une compagnie aérienne faisait son succès ou, au contraire, marquait le début d'une lente descente aux enfers. Un clin d'œil aux attaques de Jean-Cyril Spinetta contre sa compagnie car de fait, même si on n'entend pas parler de mouvements sociaux chez Emirates, le bilan publié sur son site note que les frais de personnels pèsent pour 35 % dans les comptes de la compagnie. Ces derniers jours, la question sociale a pris une place majeure, et la question est posée : faut-il s'engager dans un dialogue social qui, au final, pourrait conduire l'entreprise à déposer son bilan. Qantas a osé. En annulant l'ensemble de ses vols, la compagnie australienne a mis l'ensemble de son personnel devant les faits. Trop de grève conduisent purement et simplement à mettre la clé sous la porte...Disons sous le cockpit. De son côté l'an dernier British s'est opposé au diktat du syndicat Unite et a formé son personnel en quelques semaines pour l'inviter à remplacer le personnel gréviste. Pour ces derniers jours à Air France, autant le dire, beaucoup d'observateurs étaient persuadés que le Président Spinetta allait faire jouer ses talents de négociateurs pour bloquer la grève de la Toussaint. Il n'en a rien été. S'en est-il même occupé ? Personne ne le sait. Toujours est-il qu'au final, le mouvement est loin d'être un succès. Côté syndicats, on crie au scandale : le droit de grève aurait été bafoué. La compagnie se serait débrouillée pour assurer les vols ! Un crime de lèse grève. Le résultat est là, même si certains clients râlaient, globalement il y a eu peu de critiques.
Il reste que cet exemple est dangereux. Car la grève est un moyen de lutte, de pression contre les abus et les exagérations sociales. Et c'est là que la bât blesse. Personne n'est à ce jour assez réaliste pour déterminer ce qui tient de l'essentiel et ce qui tient de l'abus de position. Voilà bien l'une des premières négociations à mener dans l'entreprise.

Hélène Retout