Air France, SNCF, pourquoi les grèves ont-elles fait un bide ?

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Certes il y a eu des retards, des blocages dans les gares et des trains annulés mais globalement, on ne peut pas dire que les deux derniers mouvements sociaux à la SNCF et à Air France soient un succès. On ne peut pas pour autant en vouloir aux syndicats qui défendent pied à pied leur bout de gras et veulent être rassurés sur l'avenir du personnel au sein de ces deux grandes compagnies. Mais au-delà de cette analyse, peut-être un peu primaire mais réaliste, il est légitime de se demander pourquoi la grève n'a pas connu le succès escompté ?

Dans une période économiquement troublée comme celle que nous traversons, la défense de l'emploi est l'une des attentes primordiales de l'ensemble des salariés, quelle que soit la nature de leur entreprise, publique ou privée. Mais au-delà de cette assertion, la sauvegarde de l'emploi actuel passe naturellement par des revendications dont toutes n'étaient pas forcément très bien comprises par les personnels eux mêmes. On pourra d'ailleurs remarquer que les demandes formulées par les syndicats de la SNCF étaient aussi relativement confuses aux yeux du grand public.
Nous avons expliqué ici même les raisons de cette grève et notre chroniqueur Pat n'a pas hésité à démontrer que la finalité du mouvement était somme toute très limitée. Du côté d'Air France, une grève pour une grève alors que tout se met en place, c'était inutile. On ne saurait s'attaquer à un plan en cours de déploiement, dont les premiers résultats ne sont pas attendus avant 6 mois. Le plan engagé par le président de Juniac n'a pas encore porté le moindre fruit et se doit d'être appliqué avant même toute réclamation. D'autant que le patron d'Air France a repris ce qui a fait le succès de la compagnie il y a quelques années : la vision de Christian blanc, qui avait lui aussi radicalement engagé l'entreprise sur les voies de la transformation. Comme le disait un ancien directeur de compagnie aérienne : «La grève est un investissement pour l'entreprise». Il n'en contestait pas les raisons mais il restait persuadé que les mouvements sociaux permettaient à l'entreprise de manifester, tant du côté salarial que du côté patronal, les oppositions fortes qui pénaliseraient à terme la compagnie.
Cette dernière grève n'aura donc pas conduit Guillaume Pépy ou Alexandre de Juniac à changer radicalement leurs plans. Au contraire, elle aura légitimé les contours de leur stratégie et confirmé la volonté d'une grande partie du personnel : voir se redresser leur entreprise. Sans doute, en 2013, verrons-nous fleurir quelques nouveaux mouvements sociaux. Peut-être alors seront-ils légitimes même si l'on sait désormais qu'il faudra au moins deux ans pour refondre la structure ferroviaire et reconstruire l'économie de la compagnie aérienne. Putain, deux ans ! C'est bien peu, dans la durée de vie de ces deux entreprises...

Marcel Lévy