Air France : changer pour évoluer, plus facile à dire qu’à faire

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Ce serait faire insulte aux dirigeants d'Air France que de penser un seul instant qu'ils ne sont pas conscients des enjeux qui attend le transport aérien ces prochaines années. Car au delà des prévisions claironnantes de IATA, sans doute surestimées, c'est toute l'organisation d'une compagnie mondiale qui doit être repensée. Partager la même partition avec près de 75 000 personnes est une gageure. Et pourtant, de gré ou de force, il faudra bien apprendre à jouer juste, sans fausse note et en parfaite harmonie.

J'avoue que je n'aimerais pas être aujourd'hui le patron d'Air France. Non pas qu'une telle entreprise ne suscite pas la fierté mais pour la complexité évidente d'avoir à mettre en place un plan de développement qui fera, sans doute, grincer des dents à tous les niveaux. L' Air France de demain se prépare aujourd'hui et celui qui sera l'ordonnateur du changement a peu de chance de le voir aboutir. Contrairement à un A380 qui se pilote du bout d'un joystick (bien sûr je résume), une compagnie a des missions complexes qui obligent à tenir 12 rênes à la fois. La première, toute simple, est d'écouter et de satisfaire le client. Après des années d'absence, le marketing s'intéresse désormais à celui qui fait vivre la compagnie : vous et moi. Basique sans doute mais essentiel. Il faut donc encourager le marketing sans pour autant fâcher le personnel navigant ou les techniciens. Pire, il faut faire en sorte de trouver une parfaite adéquation entre les demandes du client, celles des salariés et un marché hyper concurrentiel où tous les coups sont permis. Partir de province, adapter les horaires, modifier les lignes, s'allier à des partenaires sont autant de tâches complexes à réussir faute de quoi d'autres, européens eux aussi, viendront s'engouffrer dans la brèche ouverte. Sans compter le prix du carburant, celui des avions... et la concurrence du train.
Pareille entreprise peut inquiéter ou susciter l'appétit. La réorganisation annoncée de la gouvernance de la compagnie semble plutôt galvaniser les esprits, et on annonce ici ou là des candidats pour compléter l'équipe. Il reste que le "yaka" et le "faukon" ne sont pas seulement réservés aux dirigeants de l'entreprise. Le réalisme syndical, l'esprit d'entreprise, la culture et le poids du passé sont des atouts que chacun devra exploiter intelligemment. Sans doute y a t-il de la noblesse chez les pilotes... Mais pas plus que chez un agent de comptoir ou un mécanicien au sol. L'appartenance à une seule entité commerciale, en l'occurrence Air France, est un atout que la compagnie doit faire partager. Dans notre pays où le patron est généralement considéré comme quelqu'un qui ne comprend rien à rien de la "vraie vie" et où chaque salarié se sent une âme de capitaine d'industrie, la tâche est plus complexe. Et pourtant, c'est sans doute de cette union sacrée autour d'une marque forte que naitra le Air France de demain. S'opposer sans discuter, c'est refuser d'avancer. Un mal bien français.

Hélène Retout