Air France et surcharge GDS : les scenarios pour les acheteurs et Travel Managers au 1er avril

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Tribune Ch. Drezet - Les travel managers doivent se préparer à une rentrée de changements

Bien malin qui peut écrire exactement ce qui se passera le 1er avril prochain dans les entreprises pour les achats de billets du groupe Air France. AF KLM ayant décidé de corréler le passage au NDC et la mise en place d’une surcharge GDS sans vraiment savoir (ou préciser) ce que seront les alternatives, différents scénarios se profilent.

Pourquoi avoir décider de lier le passage au NDC et la mise en place d’une surcharge GDS, la question reste posée sans que les explications de Jean-Marc Janaillac en fin de semaine devant Les Entreprises du Voyage à Lille aient vraiment éclairci le tableau. Mais le fait est que la décision est prise et même si d’autres options étaient possibles, les choix stratégiques du groupe s’imposent désormais aux acheteurs et Travel managers sans qu’ils aient leur mot à dire. Alors que se passera-t-il le 1er avril ?

1 – AF décide d’ouvrir le canal NDC mais renonce à la surcharge GDS

Ce serait le scenario idéal pour les acheteurs et TM mais soyons clairs, nous n’y croyons pas. Les compagnies – et notamment AF KLM – veulent reprendre la main sur leur distribution, c’est un fait avéré. Cela peut leur coûter cher, mais c’est un choix délibéré, au risque d’une période difficile de transition. Jean Marc Janaillac s'est clairement opposé à cette idée, au grand dam des agences.

2 – AF reste droit dans ses bottes, les entreprises la boycottent

Du côté des grands groupes, le groupe tricolore ne devrait pas souffrir d’un boycott, il est en position trop dominante sur le marché français pour que les acheteurs et agences s’en privent. Cela dit, les code-share et autres joint-ventures permettent dans certains cas de passer par des compagnies qui opèrent les lignes d’AF, mais sans surcharge GDS. Prenons l’exemple d’un vol vers New York qui peut être acheté auprès de Delta Air Lines et bénéficier d'un code-share avec Air France. On retrouve le même cas de figure vers l'Asie avec jet Airways ou l'Amérique du Sud avec GOL !

Si l'idée peut paraître séduisante, la réalité au quotidien est tout autre. Cette formule n'est valable que pour des PME-PMI qui n'utiliseraient pas forcément un SBT pour faire l'acquisition de leurs billets d'avion. C'est sans aucun doute une formule bien adaptée aux petites et moyennes entreprises où peu de personnes voyagent et où le règlement se fait avec des cartes Corporate ou la carte personnelle du voyageur qui en fera une note de frais avant son départ voit son retour.

3 – Air France ouvre le canal NDC mais négocie d’ici là

  • Avec les TMC et les réseaux
C’est le modèle mis en place par British Airways qui a signé avec la plupart des grandes TMC avant de passer au NDC le 1er novembre. Résultat : la plupart des acheteurs des grands groupes n’ont rien changé à leur mode d’achat, ils sont exemptés de surcharges.

  • Avec les GDS
C’est une possibilité mais clairement nous n’y croyons pas, car AF a vraiment fait le choix de contourner ce canal de distribution, et ce sera techniquement difficile d’être opérationnel en 4 mois ½.

  • Avec les entreprises en direct
Cette configuration est loin d’être hasardeuse. Interrogée lors de la conférence AFTM sur NDC, Emmanuelle Galland (VP distribution au sein de la compagnie française), a confirmé que l'API du groupe serait fournie à toutes les entreprises qui en feraient la demande. Selon nous, seules les sociétés de grande taille (CAC 40, ETI, grandes administrations…) pourraient être intéressées par une telle proposition. L'intérêt ? L'accès direct aux stocks et au tarif négocié avec Air France et, pourquoi pas, une négociation avec la compagnie qui leur permettrait d'obtenir des tarifs privilégiés qui récompenseraient leur utilisation directe de l'offre d'Air France.

Bien évidemment, cela demandera de la part des services informatiques de ces entreprises de créer un front d'office capable d'afficher les informations livrées par l'API en fonction de la politique voyages ou des règles tarifaires préférentielles au sein de la société. Point inconnu avec cette hypothèse : la gestion des Miles, considérés comme essentiels par les voyageurs d'affaires. Par ailleurs « la suppression du GDS comme agrégateur est une forme de retour en arrière de 30 ans pour la facilité de comparaison et la gestion des comptes », souligne Valérie Sasset (BCD Travel).

4 – Les GDS font des miracles et mettent au point les agrégateurs avant le 1er avril

Impossible pour beaucoup, Amadeus notamment, numéro 1 sur le marché, a reconnu publiquement par la voix de Georges Rudas son patron Europe, ne pas être prêt "avant fin 2018". La norme NDC est en préparation depuis 5 ans, Amadeus est pour l’heure certifiée niveau 1, il lui faudra sans doute des mois pour atteindre le niveau 3.

Travelport revendique d’être certifiée très vite, dans les semaines qui viennent, niveau 3 par Iata. Mais attend qu’Air France lui fournisse le "contenu robuste" qui va bien. Comme le dit d’une image Emmanuel Bourgeat, "pour danser il faut être deux". Les échanges techniques n’ont pas débuté, l’API d’Air France reste une nébuleuse et "Si je me réfère à ce qui s’est passé avec BA et Lufthansa, cela parait difficile d’être opérationnel en quelques semaines".
En tout état de cause et si les GDS étaient prêts rapidement, cela ne résout pas tout : dans la plupart des grands comptes, les SBT restent le point d’entrée pour tous les flux, qu’ils proviennent des GDS ou directement des compagnies. Et ces SBT eux-mêmes ne sont pas prêts à intégrer des flux NDC, des flux massifs de données avec une visibilité full content, même si le paramétrage doit permettre de faire le tri. Le risque pour eux et pour les entreprises qu’ils servent, c’est de devoir réécrire le cœur même des SBT !

Sur le fond, le langage NDC est une chance pour la distribution, qui va pouvoir justifier son rôle de conseil et pousser ses solutions techniques. Mais il reste un casse-tête pour les acheteurs et travel managers. Et dans le cas où les solutions techniques alternatives ne sont pas trouvées d’ici à la date couperet, les acheteurs devront payer 11€ de plus par tronçon. Exprimé par Valérie Sasset (BCD Travel) devant les Entreprises du Voyage, l’opération d’Air France n’est alors qu’un "transfert du coût GDS au client". Sauf si AF adopte le scenario de British ou Lufthansa et négocie avec les agences de voyage pour supprimer les frais GDS, finalement.

Annie Fave
Marcel Lévy