Air France : l’effet ciseau de la crise et du pétrole

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La perte est cruelle : 809 millions d'euros pour l'année 2011 contre un bénéfice net de 289 millions d'euros en 2010. On savait que le trou serait important, c'est finalement un gouffre. On comprend mieux aujourd'hui le ton stressé des dirigeants en fin d'année, mais aussi l'éviction brutale de P-H Gourgeon un peu plus tôt.

Le chiffre d'affaires en hausse de 4,5 % n'a pas suffi à compenser les crises au Magreb, les guerres civiles en Afrique et le Tsunami au Japon. On connait bien maintenant - et on a déjà commenté ici - ces événements qui se sont conjugués pour déséquilibrer le secteur industriel. Un déséquilibre d'autant plus grand que la chute de la demande s'est accompagnée d'une augmentation de l'offre de sièges de plus de 7 %, et d'une hausse de carburant de plus de 16 %. Impossible de résister à cet effet ciseau qui, au demeurant, devrait se poursuivre un peu puisque, dans le contexte de crise économique, Air France s'attend encore à une hausse de sa facture de carburant de plus d'un milliard d'euros cette année.

A la conférence de presse, les dirigeants de la compagnie se sont montrés relativement sereins. Avec une trésorerie de 2,9 milliards d'euros et une ligne de crédit de plus de 1,8 milliards, ils peuvent effectivement voir venir. Mais cela n'explique toujours pas l'écart grandissant de résultats avec Lufthansa ! La compagnie allemande a elle aussi enregistré un déficit en 2011, mais tellement plus restreint que les bras des banquiers ont de quoi en tomber. Alors bien sûr, un nouveau plan est en place pour "ramener la compagnie à l'excellence", selon l'expression d'Alexandre de Juniac. Mais la démonstration est faite que cette boite fonctionne comme un très gros paquebot, d'autant plus long à réagir que son patron, l'an dernier, a semblé frappé de cécité et d'autisme. La page Gourgeon est tournée, Air France va devoir apprendre à fonctionner comme un voilier de course, barré en finesse pour plus de réactivité. Les bases de province sont sans doute astucieuses pour reconquérir les clientèles séduites par les concurrentes. La multiplication des accords de code-shares sont sans doute pertinents pour partager les risques et limiter les avions vides, mais au risque de voir sa marque diluée dans l'image d'une autre. Pas évident. L'impatience grandit de voir ce que les patrons vont inventer dans le second volet du plan triennal qui doit être présenté ce printemps. Ils ont dit à nouveau hier qu'ils écartaient, pour l'heure, un plan social. Mais comme ils refusent de dévoiler la nature des mesures qu'ils envisagent, il y a de quoi être perplexe. Sans doute que rien ne bougera avant les élections voire la rentrée de septembre. D'ici là, il faudra rassurer le personnel car le savoir faire de l'entreprise est, lui aussi, un capital important.

Annie Fave