Air France, le « baby blues » des salariés mérite le soutien des acheteurs

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Toutes les mamans le savent, après une naissance, il n'est pas rare de traverser une période de doute et d'angoisse. Le fameux "baby blues", qualifié de dépression postnatale par les médecins, vient contrebalancer une euphorie toute naturelle. Mais face à la réalité, les nerfs lâchent. Rien de bien grave. Les mamans se reprennent vite, pour la plus grande joie des bébés et de la famille. La naissance de HOP!, la mise en place de Transform 2015, les négociations syndicales, il n'en faut pas plus aujourd'hui à Air France pour douter.

"Vous savez", m'explique un salarié de la compagnie, "On se dit souvent : et si tout cela ne fonctionnait pas comme prévu, quel serait notre avenir ?". Une phrase qui résume bien à elle seule l'état d'esprit actuel dans la compagnie. Déjà, une dizaine de jeunes cadres partent ou vont partir vers d'autres entreprises alors qu'il y a encore dix ans, faire toute sa carrière à Air France était un must attendu. "On se disait qu'il fallait bousculer les potentats en place", remarque un cadre opérationnel, "On attendait d'Alexandre de Juniac qu'il rénove les équipes, bouscule les habitudes et fasse monter de nouvelles têtes, un sang neuf pour faire bouillonner les idées et les passions. On reste sur notre faim". Pourtant, le plan engagé est loin d'être un simple parcours de santé. En repensant l'organisation de l'entreprise, Air France veut prendre sa part du gâteau aérien européen. HOP! est venu s'attaquer aux low cost. Les tarifs MiNi sont des portes d'entrée au transport économique demandé par les voyageurs. La refonte des classes affaires, le développement de la Premium... sont autant de projets forts pour la compagnie.

On ne peut ni juger, ni critiquer ces offres, pour l'heure certaines ne sont même pas lancées. HOP! existe mais n'a pas encore pris son envol. Les PNC qui font pression sur la direction s'engagent dans un combat qui, cette fois ci, pourrait bien être perdu. British Airways a démontré à quel point il était possible de gérer une crise de ce type sans trop perturber les vols. La Présidence d'Air France doit désormais montrer ses muscles, sa détermination à faire bouger une entreprise. Sa volonté sera le nerf du développement attendu. Et puis, soyons chauvins. Je sais qu'il est toujours difficile de chanter les gloires nationales sans tomber dans la critique. Et pourtant, aux USA, à tarifs identiques, plus de 65 %* des entreprises font le choix d'une compagnie américaine pour leurs déplacements professionnels. Sont-ils critiquables ? Je ne le pense pas. Arrêtons de bruler et de détruire ce qui existe. Soyons solidaires d'Air France. Juste pour voir. Et si vraiment la déception est là, il sera toujours temps de faire bouger les lignes. Oublions ces périodes révolues d'une arrogance injustifiée. Les choses ont changé, vous êtes nombreux à nous le dire, nous l'écrire.

Peut-on appeler à une solidarité nationale pour Air France sans être ridicule ? Je le crois. Je n'y ai aucun intérêt, aucun avantage économique. Je préfère partir de Paris avec un vol direct plutôt que de passer par Londres, Dubaï ou Francfort. J'invite les AFTM, Marco Polo et autres structures à devenir le relais d'un vaste projet qui vise à donner à Air France toutes ses chances de réussite. Je sais qu'être acheteur, ce n'est pas être philanthrope mais pourquoi ne pas essayer ? Je crois qu'une compagnie, privée mais qui porte nos couleurs, mérite d'être soutenue. Elle fait des efforts. Il nous faut en faire aussi !

Marcel Lévy

* Sondage Gallup - avril 2012