Air France peut-elle remonter la pente ?

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C’est la dernière plaisanterie à la mode chez les concurrents d’Air France, je vous la livre : «Savez-vous comment on appellera en 2015 un pilote d’Air France ?... Un chômeur !». Sans commentaire. Pourtant, si la question de la survie de la compagnie ne se pose pas, son évolution interroge bon nombre de spécialistes de l’aérien. Entre low cost et legacy airlines, le choix d’Air France est court, pour ne pas dire pavé de difficultés.

On ne pas reprocher à Air France et ses dirigeants de tirer la sonnette d’alarme sur les pratiques de certains de ses concurrents. Oui, les pilotes de certaines compagnies volent plus et sont moins bien payés. Oui, certains pays subventionnent fortement leur compagnie pour en faire une cause économique nationale. Oui, le poids du social chez Air France est élevé et ne permettra pas d’aborder l’avenir sans une profonde remise à plat des équipes et des process, qu’ils soient techniques ou commerciaux. Oui, et c’est sans doute là que le bât blesse le plus, la refonte du marché domestique est complexe, impossible à gérer sans une agressivité tarifaire permanente qui - paradoxe - met en péril les revenus et le développement. Selon des chiffres de la DGAC, le poids d’Air France, au départ de l’Hexagone, pèserait 38% à l’international et 27% en Europe. En recul constant. C’est dire la force actuelle de la concurrence. Les coups de boutoirs répétés font des dégâts.

Dans son discours annuel au BAR France (l’association qui regroupe les compagnies étrangères qui opère en France), Jean Pierre Sauvage, son Président, a cité une étude faite par Oxford Economics et reprise par IATA, qui fait ressortir l’importance de l’impact du transport aérien dans l’économie française : 455 000 vols annuels programmés relient la France vers 325 aéroports dans 115 pays, avec 52 routes reliant des villes de plus de 10 millions d’habitants. On estime qu’une augmentation de 10 % de la connectivité peut supposer un gain de 1,2 milliards € de PIB pour l’économie française Le secteur aéronautique en France contribue pour 3,2 % du PIB national (62 Milliards €).

Le marché est là. Grossissant et vorace, tant l’avion est entré dans les mœurs. Il faut donc labourer le sillon et se mettre en situation d’affronter la concurrence, sans doute de préférence avec du Made in France, formule à la mode. Le remède à appliquer à Air France sera difficile à faire avaler. Pourra-t-on faire l’impasse sur le traitement ? Certainement pas. Faudra-t-il à terme limiter les effectifs ? Cela semble évident à tous les observateurs. Faut-il avouer aux syndicats que leur vue est à très court terme et que le «toujours plus» risque d’accélérer leur chute ? Peut-on le dire réellement ? Elections, ou non, certainement pas !

Marcel Lévy