Air France : que faut-il attendre de la réorganisation?

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Tous les acheteurs le savent, le prix n’est pas le seul marqueur d’une bonne relation avec les fournisseurs. L’humain, souvent placé au milieu des négociations, compte tout autant que le tarif que l’on obtiendra à la fin de la discussion. En réorganisant sa structure dirigeante, Air France fait le pari de renouer à la fois avec les clients mais également avec son personnel.

Les observateurs avertis auront remarqué que les nouvelles nominations présentées le vendredi 2 décembre par Franck Terner et Jean-Marc Janaillac n’auront servi dans un premier temps qu’à remplacer deux dirigeants sur le départ : Lionel Guérin qui quitte la compagnie après avoir été désavoué par l’Etat pour le poste de directeur général et Bruno Delile qui rejoindra Safran à la fin de l’année. Les autres nominations, plus techniques, ne devrait servir qu’à engager les transformations qu’Air France envisage pour l’année 2017. Peut-on parler d’un remaniement ? Certainement pas. Les piliers de la compagnie restent, et voient même leur périmètre s’élargir. C’est le cas de Jérôme Nanty qui aura à piloter la transformation et sera le DGA du secrétariat général ou Gilles gâteau qui reste le DRH de la compagnie avec la mission de relancer le projet social associé à Trust Together.

Les spécialistes noteront que personne, au sein de la direction, n’a souhaité toucher au commercial long-courrier, véritable centre de profit de la compagnie. Patrick Alexandre, le DGA commercial ventes et alliances d'Air France-KLM, est confirmé dans ses fonctions. Il n’a pas démérité à la tête de cette busines unit et semble le mieux placé pour engager une remise à plat de la tarification long-courrier en 2017 avec l’intégration de nouveaux contrats attendus par les acheteurs voyage. Cela annonce-t-il une baisse des prix ? Les clients l’attendent et le demandent face à une année 2017 qui s’annonce économiquement complexe.

Même constat pour Zoran Jelkic qui a remplacé en juillet Pierre Descazeaux, parti en retraite, au poste de directeur général du marché France. L’intéressé le dit lui-même "Nous avons aujourd’hui tous les atouts pour une relance du court et moyen-courrier". Le poste est stratégique pour la compagnie qui réalise presque les 2/3 de ses ventes en agences, que ce soit loisir ou affaires.

Autre point sensible, l’offre de fidélisation, Le programme Flying Blue sera repensé pour donner plus de facilités d’accès aux billets primes, très demandés par les grands voyageurs. Aujourd’hui complexe et difficile à gérer, elle devrait simplifier le passage de statuts tout en optimisant le volume de miles acquis.

Pour diriger la nouvelle compagnie dite low-cost ou Boost, le nom d’Antoine Pussiau reste celui qui semble aujourd’hui le plus probable. Sera-t-il annoncé après les premières discussions sérieuses avec les PNC, les syndicats au sol et le SNPL ? "Sans doute avant car il aura à les gérer s’il ne veut pas se retrouver isolé une fois la nouvelle compagnie sur les rails", souligne un cadre d’Air-France.

Côté SNPL, on souffle le chaud et le froid. Un jour le syndicat publie un courrier pour dire à tous que le projet « boost » est rejeté… Le lendemain, il affirme que c’est une interprétation hâtive et qu’il est toujours prêt pour des discussions constructives. Chez Air France, on aimerait y voir la fin de règne de Philippe Evain, le patron du SNPL AF, accusé d’une surenchère meurtrière pendant les dernières grèves et jugé jusqu’au-boutiste par les pilotes modérés. La refonte du statut de pilotes est loin de déplaire aux jeunes entrants qui y voient ainsi la possibilité d’une carrière plus rapide. De nouveau, et malgré les fortes oppositions des navigants, la refonte du principe de séniorité est évoquée. Un sujet très "touchy", loin d’être acquis à celui qui voudrait s’y attaquer.

Enfin, l’annonce par les équipes de François Fillon de la fin souhaitée de l’Agence des Participations de l’Etat est une bonne nouvelle pour la direction du groupe. Le non renouvellement de mandat de François Hollande va laisser les coudées libres aux négociations, sans épée de Damoclès sur la tête. Autant de sujets qui dégage la route de la nouvelle direction. Dans les services de Manuel Valls, on dit clairement qu’Air France n’est pas, ou plus, une priorité pour les prochains mois.

A l’évidence, la bataille est ailleurs.

Marcel Lévy