Air France, quelle stratégie pour éviter la crise ?

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L’information sur la suppression de 5000 postes chez Air France a fait le tour des rédactions hier, malgré le démenti de la direction. Mais en fait 2000, 5000 ou 7000, cela ne fait guère de différence sur le fond, même si les personnels concernés le voient bien légitimement d’un autre œil. Ce qui compte, c’est que tout chiffre est plausible, faute de stratégie claire et lisible.

Chacun le sait depuis des mois, malgré le Plan Transform 2015, l’heure reste à la réduction des coûts chez Air France-KLM. Le groupe a publié une semaine avant Noël son troisième avertissement sur résultats de l'année 2014. Parce que la pression des low costs mais aussi des autres compagnies s’accroit. Durement. Malgré un mouvement engagé sur le domestique ou le court et moyen-courrier, les prix d’Air France sont trop élevés et notamment sur le long courrier. Les miles – et les vols directs - font que beaucoup de salariés français font encore le choix de la compagnie, mais son nom sort rarement gagnant lorsqu’on fait une recherche avec un critère prix sur les destinations de plus de 5 heures de vol. Lorsque la génération Y – ou Z ! – si sensible précisément aux prix et aux comparateurs formera le gros des troupes du voyage d’affaires, lorsque l’open booking sera devenu la règle, quelle sera alors la réponse de la compagnie aérienne ? Si la montée en gamme – réelle, qualitative – de la compagnie est pour elle un argument, justifie- t-elle de telles différences sur les tarifs ? C’est toute la question qui reste posée.

Ce qui est plus inquiétant encore pour Air France, avec cette annonce d’éventuelles suppressions de postes, c’est le fait que chacun puisse s’interroger sur sa stratégie. Lorsqu’un Plan de Départs Volontaires est ouvert, il y a des candidats. Lorsqu’ils se succèdent, il y en a moins. Si la seule variable d’ajustement est l’emploi, c’est un peu court pour dynamiser une boite. Et justement, quelle dynamique pour Air France ? On voit bien que British assoit son développement avec une stratégie groupée à l'international, via IAG. On constate que Lufthansa, après avoir constitué un groupe de compagnies « satellites », fait encore mouvement avec Germanwings et la future Eurowings pour développer une vision. Quelle vision, à Air France/KLM ?

Un travail est en cours pour muscler Hop! et Orly, mais reste à démontrer son efficacité. Dans tous les cas, il faudra au moins deux ans pour redresser la barre. L’arrivée prévisible de Ryanair sur Orly d’ici 2016 va sans doute bousculer la donne. Du côté du long courrier, rien ne se dessine – ou ne transparait – en dehors de la montée en gamme. Qui, elle, ne rassure pas vraiment les investisseurs, le nez sur les comptes. L'action a encore perdu 6,5% depuis le début de l'année. La baisse des coûts du pétrole permet de respirer un peu, mais pour combien de temps ?

Les administrateurs - qui lâchent des bribes dans la presse sur la crise que traverse le groupe - mettent la pression sur Alexandre de Juniac. À lui de donner sa vision économique à 5 ans. À lui d’expliquer ce qu’il fera de Transavia et de Hop/air France, par exemple et plus globalement ce qu'il veut pour le groupe.

A Air France même, un nouveau plan, Transform 2020 se prépare. Il sera présenté par Frédéric Gagey en CCE ordinaire le 22 janvier et en comité central d'entreprise (CCE) extraordinaire le 5 février. Malheureusement pour le patron d'Air France, la vision syndicale reste pénalisante. Il y a actuellement une bataille interne sur les gains de productivité réalisés depuis 3 ans, qui auraient été plus importants pour les personnels au sol que pour les pilotes. Les pilotes, précisément, se sont encore radicalisés depuis la grève et la signature de l'accord Transavia est passé de justesse nous dit-on. Les escales de province portent en elles les camaraderies des décennies passées pour une productivité limitée. La liste des handicaps qu'il a à gérer est trop longue pour être détaillée ici. Il reste qu'un plan de réduction des coûts est une chose, une stratégie en est une autre.

Calmées par la douche froide et les coûts de la grève de septembre, les rumeurs d’un possible départ du patron renaissent. Et avec elles le cortège de doutes, d’incertitudes sur l’avenir de la compagnie. Toujours mauvais, cela, pour la confiance des salariés et des clients.

Annie Fave