Air France, qui sera le fusible : de Juniac ou Gagey ?

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La grève finie, les vraies questions se posent. Pas celles qui iront établir l’irresponsabilité des pilotes dans cette affaire mais plutôt l’élément qui donnera corps à une bataille que la presse résume à une lutte entre deux personnalités, Alexandre de Juniac pour AF et Jean Louis Barber pour le SNPL.

Les élections professionnelles qui se dérouleront en 2015 ne seront pas sans danger pour le SNPL. Après les révélations du Point, sous la plume de Thierry Vigoureux, qui affirmait que les dirigeants du SNPL étaient payés pendant la grève, voilà que l’on entend chez les pilotes non-grévistes que tout cela est né de l’antipathie qui oppose frontalement Jean-Louis Barber du SNPL au Patron d’Air France, qu’il jugerait « arrogant et ambitieux» ? Bref, 250 millions de perdus pour assouvir une rancœur personnelle, ego contre ego ? C'est sans doute un peu simple. C'est sans doute et surtout deux visions de l'aérien qui se sont opposées. Et au-delà, l’implication du gouvernement (qui n’est plus l’actionnaire principal de la compagnie) et les bourdes du Ministre des transports sont venus rappeler que le mouvement social n’était pas qu’une affaire privée. Au contraire, toucher à Air France, c’est toucher à la France. Même les propos de Manuel Valls qui qualifiait la grève d' «insupportable» étaient difficiles à supporter par la Direction de la compagnie qui voulait régler, seule, le problème. Bref, tout le monde depuis deux semaines devenait «patron» d’AF, un peu calife à la place du calife. Selon les chiffres annoncés dimanche soir sur France 2 par Laurent Fabius - Ministre des affaires étrangères mais aussi du tourisme - 110 000 touristes et 30 000 voyages d'affaires ont été touchés par le mouvement.

Il faut désormais tirer les conclusions de la grève. Pas de protocole d’accord. C'est dire qu'en gros et juridiquement, on en est au même point qu'avant la grève. Même s'il y a engagement moral, la compagnie pourrait très bien ressortir son Transavia Europe. Et puis quid de Transavia France ? Juridiquement toujours, ce sont les accords antérieurs qui devraient s'appliquer, avec un blocage de Transavia à 14 avions et une situation verrouillée. Mais la direction de la compagnie a bien dit qu'en échange de l'abandon du projet européen, elle voulait développer et renforcer une compagnie low cost française, et elle le redit dans son commentaire. Mais comment créer une vraie low cost européenne ? La question reste pour l'heure sans réponse.

Au-delà de l’avenir, comment gérer les dégâts collatéraux? L'image d'Air France est durablement impactée et ses partenaires de code-share ont - comme ses filiales qui ne faisaient pourtant pas grève - payé le prix fort. Il y a aussi les effets dominos et les 60 000 voyageurs en moins de passage quotidiennement dans les aéroports. Les duty free tout comme les structures de restauration ou les parkings d’ADP et les opérateurs privés ont été touchés. Le manque à gagner pourrait frôler les 50 millions d’euros. Ajoutons à cela la défiance à long terme envers la compagnie, la colère (retenue) des acheteurs de voyages et celle des voyageurs. Bref, il faudra bien trouver un coupable.

Un coupable ? Certainement pas Alexandre de Juniac, car ce serait donner raison au SNPL. Mais alors il reste peu de monde pour porter le chapeau. Frédéric Gagey, le patron d’Air France ? Il a géré son entreprise avec les moyens disponibles. Il n’a pas cherché à contrecarrer les efforts du Président du groupe, omniprésent puisqu'il s'agissait avec Transavia Europe d'un projet groupe. Gagey s'est fait discret pendant la grève à l’exception d’une ou deux visites sur le terrain. Alors qui ? Bien malin qui donnera une réponse à cette question. Seule certitude, faire oublier la grève demandera du temps. Les Boursiers, eux, ont fait chuter le titre de plus de 15%.

Hélène Retout