Air France se bat avec son environnement

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Décidément, notre compagnie nationale a bien du mal à définir une stratégie sur laquelle elle pourrait s’accrocher pendant un temps suffisant pour la remettre à sa place, c’est-à-dire dans le Top 3 mondial.

Les résultats 2016 d'Air France sont certes satisfaisants car ils montrent un profit d’exploitation, mais comme le signale si justement Jean-Marc Janaillac, celui-ci est insuffisant surtout car il est acquis grâce à la baisse du coût du carburant. En gros, 350 millions de profit d’exploitation pour un gain en carburant qui frise le milliard d’euros par rapport à l’année précédente. Et les très bons résultats de KLM n’arrangeront certainement pas les relations entre les deux entreprises.

Le plus préoccupant dans cette affaire est que l’avenir n’est pas dessiné. En vrac, on note une opposition des pilotes et des PNC à la création de Boost dont d’ailleurs les contours et la vocation sont flous, un retrait de Transavia de sa base de Munich, ce qui démontre une certaine incapacité à survivre en milieu concurrentiel fort, une absence de relation forte avec l’un des transporteurs du Golfe depuis le revirement d’Etihad Airways vers Lufthansa, un certain assoupissement de Hop! sur le marché domestique français et une concurrence accrue à laquelle la compagnie doit s’attendre avec l’arrivée sur ses grosses lignes de Corsair et d’Air Caraïbes dont le groupe ne cache pas ses ambitions sur les DOM TOM.

Mais ce n’est pas tout. Air France/KLM va devoir faire face à l’offensive massive des low costs long- courriers. Norwegian a montré le bout de son nez mais la compagnie ne restera pas la seule à attaquer notre transporteur national sur son axe encore le plus juteux, le transatlantique.

Pour le moment, Air France semble se satisfaire de son excellent accord avec Delta Air Lines. La Joint- Venture créée depuis des années porte ses fruits et c’est tant mieux. Mais enfin cela ne peut pas tout résoudre. Or je suis frappé de voir que, bien que sévèrement concurrencée par les low costs moyen-courts courrier, Air France ne cherche pas avec l’une d’entre elles un terrain d’entente pour au moins alimenter son hub de Charles de Gaulle à des conditions économiquement raisonnables. Pour tout dire, le refus exprimé d’une discussion sur cette possibilité reste pour moi un sujet d’étonnement.

Au fond, les orientations stratégiques de notre transporteur national sont difficiles à prendre car elles vont toutes se heurter à la peur du changement à l’intérieur d’une maison dont les derniers bouleversements datent de l’ère Christian Blanc, c’est-à-dire avec 1997, il y a vingt ans. Or en vingt ans, il s’en est passé des bouleversements. Et aucun d'eux n’est favorable au groupe Air France/KLM.

Par chance, le maintien du coût du carburant, qui est passé je le rappelle de plus de 30% des charges à moins de 20%, donne quelques marges de manœuvre financières et a permis un désendettement significatif. Mais ce qui est inquiétant dans cette affaire est que la compagnie n’arrive pas à maintenir un prix moyen coupon suffisamment élevé. En fait, l’avantage du carburant bénéficie de la même manière aux concurrents. Et la nécessité pour le Groupe de faire baisser ses charges internes ne permet pas un discours enthousiasmant. Et c’est bien ce qui manque. De nouvelles idées, le renouvellement de la flotte, des services innovants bref, ce qui pourrait entrainer les troupes et les conduire à faire les efforts auxquels elles se refusent pour le moment. Vu de l’extérieur, on a l’impression que chaque groupe de salariés épie les autres pour s’assurer qu’ils doivent faire les mêmes efforts, sans quoi, aucun ne veut bouger.

Le risque est fort pour le futur et la direction de l’entreprise en a bien conscience. Elle ne crie pas "cocorico" quant à ses résultats. Et dans le contexte actuel, soit le pétrole reste à son niveau actuel et les prix vont encore baisser, soit le prix du carburant remonte et cela n’arrangera pas les finances de la compagnie.

Air France/KLM doit définir une ambition forte. L’exercice est terriblement difficile car les marges de manœuvre sont très faibles entre les contraintes sociales et financières. Le futur proche nous dira si la direction et les salariés peuvent la définir. Et surtout, que l’Etat ne s’en mêle pas.

Jean-Louis BAROUX