Air France, une cause nationale

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Je risque ce matin de vous faire bondir. Et je le comprendrais. Dans quelques heures, Air France sera sans doute entré dans une période de turbulence dont la finalité est le redressement de la compagnie. La direction de la compagnie doit annoncer en Comité Central d'Entreprise son plan pour améliorer la compétitivité de l'entreprise, suppressions d'emplois inclus. Il faudra gommer les erreurs et sans doute gérer colère, peines et tristesses. Sans oublier l'obligatoire cortège d'économies à faire,ce qui veut dire austérité et rigueur. Beaucoup nous disent ici qu'ils ne prennent plus Air France, lassés des petits soucis quotidiens, des grèves à répétition voire de l'attitude parfois difficile à comprendre des équipages. Je crois sincèrement qu'il faut dépasser cette situation épidermique pour s'unir autour du raisonnable : le maintien de la compagnie française dans le grand jeu du transport aérien. Je ne le cache pas : j'aime Air France !

Plus que jamais, l'union de tous autour de la compagnie sera nécessaire. Certes, le client est roi et son avis prépondérant. Oui, il faudra sans doute s'attaquer rapidement et efficacement au sureffectif qui n'est pas seulement un chiffre mais aussi un ensemble d'hommes et de femmes qui croyaient et croient encore en leur entreprise. Oui, il faudra revoir la relation avec les clients et accepter pour le personnel navigant que la tâche soit difficile, ingrate et complexe. Que les contraintes bougent et que les privilèges tombent. Il n'y aura pas de petites économies mais de petits pas vers l'avenir. Les pilotes devront accepter une hausse de leur productivité et des temps de travail faute de quoi, si tout s'écroule, ils verront que Pékin est plus loin qu'Antibes pour rentrer tous les deux jours. Et vous, nous, les utilisateurs ? Il faudra poursuivre l'aide que vous apportez à la compagnie. Prendre Air France sera un soutien actif à son avenir mais pour cela, la compagnie devra écouter ceux qui voyagent beaucoup. Pourquoi ne pas créer des comités de grands voyageurs, pas de travel managers ou d'acheteurs peu mobiles, mais de voyageurs d'entreprises qui vont quotidiennement au bout du monde ? Créer ces comités mais surtout les écouter pour sortir le meilleur de leurs expériences. Le travail que devra accomplir Air France est colossal mais indispensable. Il n'est pas seulement dans la compagnie mais aussi avec celles et ceux qui volent sur la compagnie. Oublions un instant les miles au bénéfice d'un avenir dont nous serons les seuls bénéficiaires. Partir de Paris, souvent en vol direct, est un atout de taille que nous envient biens des pays européens obligés aujourd'hui à jongler avec les hubs. Je le redis, rien ne sera facile, ni pour Air France, ni pour nous si la compagnie devait disparaître, percluse de pertes, de rigidité syndicale et de rejet de ses clients.

Marcel Lévy