Au CES de Las Vegas, le voyage est sous les feux de l’actualité

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Pas moins de 264 produits et applications novatrices destinées aux voyages sont actuellement présentés à Las Vegas dans le cadre du CES (Consumer Electronic Show). Tous ne connaîtront pas forcément un avenir économique brillant mais la grande majorité des start-ups européennes ou américaines reste persuadée qu’elles vont toutes, à leur façon, bousculer notre façon de nous déplacer. Chiche?

L’année dernière, les étudiants du MIT avaient donné leur vision des innovations à venir dans le monde de la technologie. Ils ne se sont pas beaucoup trompés. La montée en puissance des objets connectés (domaine où la France excelle) se confirme. Au-delà de la simple montre, on voit désormais apparaître des applications construites sur l’autre grande tendance technologique du moment, la reconnaissance vocale. Désormais, parler avec son smartphone est devenu évident. On le constate tous les jours avec Siri pour Apple ou son concurrent Android. Mais parler ne suffit plus, il faut désormais répondre. C’est tout l’enjeu des applications construites autour de l’intelligence artificielle.

Google démontre à Las Vegas, via des développeurs indépendants, son outil « voice » qui dialogue en langage naturel avec l’utilisateur On peut ainsi réserver son billet, modifier un itinéraire ou changer une réservation. Mais au-delà, l’analyse des datas permet d’aller plus loin. Des applications, encore en phase de prototype, informent l’utilisateur qu’il sera en retard pour un rendez-vous, qu’il a manqué son avion ou qu’il doit prendre connaissance d’un message important. C’est là que la montre connectée prend tout son intérêt. D’autant que les versions annoncées jouent la carte de l’autonomie. L’Apple Watch pourrait être rapidement dotée d’une connexion wifi qui lui permettrait d’être autonome dans bien des cas. Dans le Nevada, il se dit que la V2 de la montre d’Apple arrivera au printemps prochain. Idem pour Samsung qui veut également faire évoluer ses modèles vers des fonctions plus poussées comme le guidage GPS, la gestion des portes de sa chambre d’hôtel… La liste des fonctionnalités grossit de jour en jour.

Mais la voix sert également à de petits instruments révolutionnaires comme Ili, un petit traducteur de poche, de la taille d’une télécommande, capable de traduire en temps réel les propos d’un voyageur d’affaires. Proposé par Logbar, ce petit outil dispose dès aujourd’hui de l’anglais, du japonais et du chinois. La V2, annoncée pour le second semestre 2016 offrira le français, l’espagnol, l’italien et l’arabe. Ni wifi, ni connexion internet, le traducteur est intégré à une puce numérique autonome. Idéal pour les voyageurs d’affaires.

Des absents remarqués

Si Microsoft ou Apple ne sont pas présents dans le Nevada, l’esprit de la pomme flotte sur beaucoup de stands, en particulier autour de la réalité virtuelle. Dans ces domaines, la course forcenée que se livre les grands du domaine ne débouche aujourd’hui que sur quelques prototypes qui, concrètement, apportent plus aux touristes qu’aux voyageurs d’affaires. Plonger dans une visite de Versailles ou surfer sur les flots via un casque dédié tient plus du gadget. Juste du gadget? Pas vraiment, les nouveaux casques de réalité virtuelle intéressent aussi les compagnies aériennes. Il se murmure qu’Emirates serait fortement intéressée par l’Oculus Rift que la compagnie réserverait à ses classes avant. Même choix possible pour Singapore Airlines. Mais rien n’est signé.

Du côté des géants de la technologie, comme Oracle ou SAP, le voyage à Las Vegas se fait plus discret. Pas moins d’une quinzaine de majors du voyage d’affaires sont venus regarder les innovations qui se profilent. Expedia business se dit intéressé par la notion du "mobile profil" qui détecte le voyageur dès qu’il se connecte partout dans le monde. Une approche également retenue par HRG aux USA qui se dit "séduit par la notion de calepin de voyage", un outil intuitif qui consolide en temps réel toutes les dépenses du voyageur évitant ainsi la fastidieuse opération de la note de frais. Son plus ? Intégrer des moyens de paiement sécurisés associés à la géolocalisation du voyageur.

Des hôtels de plus en plus connectés

Comme le faisait remarquer le patron du Groupe Hilton, il y a aujourd’hui deux catégories d’établissements : ceux qui jouent sur le passé et ceux qui parient sur l’avenir. A Las Vegas, les concepteurs répondent qu’aujourd’hui les deux peuvent se marier. Et de fait, la technique peut s’intégrer partout sans transformer la chambre en une annexe de star trek. Exemple ? Le Four Seasons de Shanghai Pudong assure la gestion complète de la chambre via une tablette. D’autres proposent de transformer le smartphone du client en tour de contrôle. On peut ainsi décider de se faire couler un bain dès l’entrée dans le taxi du retour… pour le trouver à bonne température à son arrivée. Sans oublier les grands classiques : descendre les volets, lire la presse locale dans sa langue ou se commander un room-service. Le voyageur peut aussi gérer en temps réel ses besoins hôteliers.

La clé de chambre sur le smartphone est déjà dépassée. Hilton travaille à une reconnaissance automatique du client, soit via une empreinte soit par un scan du visage mémorisé qui suffit à ouvrir la porte dès que l’hôte s’en approche. Pas moins d’une trentaine d’innovations de ce type devraient faire leur apparition d’ici deux ans.

Autre innovation, les murs d’images numériques qui permettent de changer le décor de la chambre ou de le transformer en écran de visioconférence. Pas moins d’une dizaine de modèles ont été présentés sous la forme tactile, la plus attendue par les utilisateurs. Pas encore de clients annoncés même si Marriott regarderait la solution pour ses suites haut de gamme.

Enfin, même la télé change. Désormais dans sa chambre on dispose d’un écran intelligent, doté d’une caméra pour permettre une vidéo conférence rapide avec ses collaborateurs. Le Péninsula à Hong Kong proposera une solution de ce type d’ici quelques mois sans supplément de prix.

Et la voiture ?

C’est la grande promesse de ces prochains mois... et des années à venir ? La voiture autonome, à peine née, est déjà sur une bonne partie des stands du salon… Même si ni Apple, ni Tesla ne souhaitent présenter leur futur modèle. D’autant que pour le voyageur d’affaires, la solution qui commence à apparaître séduit des entrepreneurs qui parient sur l’outil. A San Francisco, CarStreet veut proposer dès 2018 des véhicules intelligents capable de conduire le voyageur à ses nombreux rendez-vous. Un véhicule en location qui permettra de prendre la main en cas de modifications de trajet souhaité en temps réel par l’utilisateur.

Incontestablement, le CES aura donné forme à des projets annoncés depuis des années, avec plus ou moins de succès. On le voit, entre l’idée et son application, il faut entre 2 et 10 ans. Que verrons-nous concrètement ces 5 prochaines années, voilà la question de fond que pose ce type de salon. D’autant que le San Jose Mercury News, le journal de la Silicon Valley, craint l’apparition d’une nouvelle bulle technologique. Et le journal de citer un chiffre: "près de 22 milliards de dollars ont été investis dans les startups américaines ces 5 dernières années". Il faudra bien les amortir.

A Las Vegas,
Philippe Lantris.