Aurons-nous toujours les moyens de ne pas céder au chantage de Ryanair ?

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Michael O'Leary a tranché et mis ses menaces à exécution. L'unique base française de Ryanair en France, celle de Marseille Provence, fermera le 11 janvier 2011. À l'origine de cette décision, l'ouverture d'une procédure judiciaire contre Ryanair pour travail dissimulé. Le patron de la compagnie irlandaise n'apprécie pas et s'en va. Un chantage inacceptable qui prouve à quel point le poids économique du transport aérien pourrait conduire les aéroports européens à accepter tous les diktats d'une compagnie qui tire 30 % de ses revenus des subventions qu'elle obtient dans les régions où elle se pose.

Si j'étais Air France, la Lufthansa où British Airways, j'éviterai de perdre du temps à me battre avec Emirates pour m'intéresser à ce modèle économique simple qui fait de Ryanair l'une des entreprises aériennes les plus importantes et les plus rentables en Europe. Pourquoi ce que fait, et réussit, Michael O'Leary n'est-il pas copiable par d'autres compagnies ? Y a-t-il aujourd'hui un péché d'orgueil à ne pas s'intéresser à des méthodes simples, efficaces et redoutablement dangereuses pour la survie des régions qui ne cracheraient pas au bassinet ? Avec cette décision de la compagnie de quitter Marseille, on remarque tout d'abord que la fameuse Europe sociale est loin d'être une réalité. Ce qui est travail dissimulé en France ne le sera plus forcément en Espagne ou en Italie, là ou Ryanair souhaite développer ses bases. Dommage.
Autre constat, l'épée de Damoclès au-dessus de la tête de tous les aéroports qui accueillent Ryanair en Europe ne fait que grossir aujourd'hui. La décision, pour l'exemple, car elle ne clôt pas la procédure judiciaire, démontre que le pouvoir n'est pas dans la législation mais dans l'économie. Toujours dommage. D'autant, et Ryanair le précise dans un communiqué, que treize lignes fermeront suite à cette décision: Agadir, Brest, Eindhoven, Lille, Marrakech, Nador, Nantes, Palerme, Paris, Tanger, Tenerife, Tours, Venise. Dix lignes seront conservées (Bruxelles, Dusseldorf, Fez, Londres, Madrid, Malte, Porto, Rome, Séville, Valence) avec du personnel délocalisé ou venant d'autres aéroports que celui de Marseille. Ryanair accepte donc l'idée de perdre de l'argent pour faire de Marseille un exemple.
De son côté, la direction de Marseille Provence confirme qu'au final, dès février ce seront 50 000 passagers qui ne se poseront pas dans la cité phocéenne. Pas grave, semble t-elle dire dans une vision quasi "matamoresque" de l'affaire. D'ailleurs que peut-elle y faire ? Toute cette aventure démontre à quel point le voyageur est devenu une denrée négociable. Un bon charter de touristes à Bergerac vaut désormais plus cher qu'un car de Lillois en goguette. Un British pour deux Lillois. La nouvelle musique de l'aérien sonne un peu faux dans le concert du business aérien.

Marcel Lévy