Avec ma tête de terroriste, de juif errant de pâtre grec…

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Comme je le dis souvent, il est bon d’aller sur le terrain vérifier que les informations que nous donnons ne sont pas seulement le fruit d’un travail de bureaucrate. Prendre l’avion, passer le contrôle de sécurité, grignoter le sandwich ratatiné de la compagnie aérienne et finir dans un hôtel d’affaires coincé entre l’autoroute et la zone industrielle.. Ca frôle l’aventure extrême. Pour du grand reportage c’est du grand reportage. Qu’importe. Oubliés le Panama et les San Blas, les Maldives ou Copacabana et la baie de Rio. Je tente Berlin, moins glamour mais d’actualité avec l’ouverture du salon mondial du tourisme : l’ITB !

Remarquez, j’ai de la chance dès le passage de la sécurité à Roissy. Bercé par les enquêtes chocs de mes confrères qui passent des flingues voire des missiles, j’ai toujours le regard attiré par ce qui pourrait être un dysfonctionnement. Bingo. Le voyageur devant moi, propre sur lui, bonne tête de mathématicien, est signalé avec un bagage hors du commun. Un sac rempli d’alimentation électrique, de cartes informatiques, de câbles et de télécommandes. J’ai de la chance, je voyage avec le cousin de Ben Laden ! A moi le scoop. D’un sourire (la fille qui le contrôlait était plutôt charmante), la spécialiste fait appel à un superviseur qui tient plus du roquet que d’Einstein. On le sent perplexe, prêt à aboyer. Puis après un regard scrutateur sur mon étudiant attardé, décide d’un revers de main de laisser passer. Et zut. Pas d’arrestation publique, de menottes dans le dos, pas de visite d’un «expert» venu de Miami me délivrer la vérité, je n’aurais pas la carte de membre des amis de Guantanamo. Bref, pas de prison. Je ne toucherais pas 20 000 €. Mon élève «terroriste» replie son barda et bredouille quelques mots de remerciements. A mon tour de passer le contrôle. A peine un caleçon mal plié. Rien de bien méchant.
Ironie du sort, je me retrouve dans l’avion assis à côté de mon «terroriste», ingénieur et physicien à qui je raconte ma perception de son aventure. Il sourit et me dit placidement : «J’avais dans mon sac la totalité des éléments nécessaires à la fabrication d’un explosif. Je travaille dans l’armement». Je n’en saurais pas plus. Mais là, j’ai compris ce que mes confrères de M6 ou France 2 voulaient dire quand ils expliquaient, face à la caméra, que «Bien des contrôles ne sont là que pour rassurer les passagers tant ils sont inefficaces». Une opération «amuse couillon» en sorte. Depuis, j’avoue que j’ai un peu peur en avion.

Marcel Lévy