Bienvenue au futur flying Travel Manager

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Aux USA comme ailleurs, la question de l’avenir des agences de voyages d’affaires est un sujet qui, depuis une quinzaine d’années, revient régulièrement sur le tapis. Tout a été dit sur leur transformation attendue, leur adaptation aux nouvelles technologies et surtout leur capacité à comprendre les besoins réels du client. Mais une fois posée la question, on peut s’interroger sur les alternatives qui pourraient se mettre en place pour remplacer la TMC. Et disons-le clairement, aucune idée concrète et solide n’apparaît sur le marché.

On voit bien que le trouble technologique qui s’installe dans le monde du voyage depuis quelques années conduit toujours à la même envie : laisser le voyageur gérer et assurer lui-même ses déplacements professionnels dans le respect des règles émises par l’entreprise. Un vœu pieux que tout le monde souhaite mais que personne ne veut tester. Malgré les tentatives des transporteurs aériens de mettre en place des structures de distribution directe, on sait que les entreprises, surtout les plus grosses, veulent garder la maîtrise de leurs dépenses et avoir un œil sur les déplacements de leurs salariés. Deux demandes basiques qui ne souffrent d’aucune dérogation.

On assiste depuis deux ans, dans la plupart des grandes réunions américaines du business travel, à la montée en puissance d’une volonté de simplification du voyage d’affaires. Concrètement, les acheteurs américains ont parfaitement compris que le besoin de liberté manifesté par les voyageurs se heurtait naturellement aux outils de gestion et de régulation développés par les entreprises. Et pourtant, si l’on regarde les offres technologiques, tout est là pour atteindre ce but. La mobilité totale est acquise, l’open booking maîtrisé existe en partie (Concur le démontre), le contrôle des achats en ligne et la gestion physique sont possibles tout comme les outils d’accompagnements du voyageur (chabots, assistants intelligents…). L’intelligence artificielle permet d’optimiser le savoir et d’améliorer le profil, le big data est devenue la porte d’entrée de toute relation améliorée avec le voyageur. Bref, tout est là pour satisfaire l’acheteur. Tout est là, mais rien n’est réellement fonctionnel en matière d’interconnexion.

"Il y a dans l’organisation d’un voyage deux grands univers : le process et l’exécution", constatait doctement en 2015 Kathryn Bell du Boston Consulting Group. Dans sa présentation, elle différenciait très clairement les process et leur mise en place de la façon d’organiser ensuite le voyage d’affaires. Concrètement, le process a une durée de vie assez longue alors que l’organisation même des voyages ne survivait pas à son exécution. Un voyage chasse l’autre et la notion de repeater a ses limites. Et pourtant, dans les deux cas, le rôle de l’agence est de piloter l’avant, le pendant et l’après déplacement dans le pur respect des règles comptables et de la politique voyages établie par l'entreprise. La mise en place d’un process peut se faire en quelques semaines alors que les voyages d’affaires vont se dérouler sur une période bien plus longue, généralement une année entre la présentation des budgets qui sont associés. Le rôle de l’agence de voyage est de générer, via des outils qui lui sont propres ou qu’elle intégrera à son offre, des process qui garantissent l’acquisition des composants du voyage au meilleur prix, la capacité du fournisseur à tenir les engagements qui sont pris et à les facturer aux tarifs qui sont négociés. L’agence ne construit ni le contenu du déplacement professionnel ni son exploitation. Mais à quel prix va-t-elle offrir ses services ? Là est la question.

Que dit le marché américain ? Premièrement, qu’il n’est absolument pas question de laisser une liberté totale des missions des voyages au voyageur. Exit, le business traveller roi. Il précise également que le confort n’est pas la première attente de l’entreprise même si le compromis du meilleur rapport qualité prix doit être systématiquement recherché. Enfin, le fait de travailler avec un distributeur signifie qu’il faut le rémunérer à sa juste valeur. Et à ce niveau, les avis divergent. Une situation qu’a parfaitement résumé Tristan Dessain-Gélinet de Travel Planet dans l’Interview qu’il a accordé à Déplacements Pros.

Cette transparence que tous demandent n’existent pourtant pas encore. Que dit alors l’acheteur ? Il sait déjà qu’obtenir le meilleur prix en pressurisant son fournisseur n’est qu’une solution temporaire qui a ses limites. Mais au-delà, s’il veut de la simplicité, il veut un cadre de travail rigoureux qui ne s’accorde pas avec les fantaisies possibles de chaque voyageur. Et depuis peu, il veut avoir le contrôle le plus total sur la dépense quitte à mettre en place des systèmes qui évitent aux voyageurs de sortir le moindre euro pendant son voyage.

Depuis peu les « travel buyers » regardent une solution qui commence à se mettre en place dans certains pays anglo-saxons, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, qui consiste à utiliser les services d’un Travel manager sur une période très courte, le temps de mettre en place les process. Un chemin qui se situe entre l’agence de voyage (qui ne perd pas pour autant ses compétences dans les entreprises) et le voyageur. En Europe, ce que l’on appelle des "missions de développement ou d’implémentation" ont généralement une durée dans le temps qui dépasse le simple cadre du process pour celui de l’exécution et de la mise en place. Aujourd’hui, seuls les process concernent le « flying TM ». Sont-ils dissociables du quotidien ? Là intervient la TMC qui reste garante de la bonne exécution de l’ensemble.

Il suffit d’ailleurs de regarder quelques sites Internet de ces nouvelles entreprises pour se rendre compte que ces spécialistes du Travel management s’achètent pour un jour, un mois ou deux. Guère plus. Et c’est la triangulaire entre la TMC, l’entreprise et le flying TM qui permet la mise en place de process actifs efficaces. Aux spécialistes du voyage le soin d’optimiser les déplacements, à la TMC celui de réaliser les attentes d’un client qui ne joue que le rôle d’acheteur, au sens premier du mot.

Aux USA selon des clubs d’acheteurs spécialisés, cette évolution de la relation entre le TM et la TMC est inscrite dans l’histoire qui s’annonce, loin de toutes les modes que l’on traverse depuis deux ans et dans le respect des règles de l’entreprise. Un retour au contrôle total de la dépense que l’on croyait oublié avec la fin de la crise qui de 2009 à 2015 a conduit chacun des acteurs à s’interroger sur l’avenir de sa fonction. Un perpétuel recommencement.

A New York,
Philippe Lantris