Bonnes résolutions…Pièges à c.ns

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Nous avons officiellement jusqu’au 31 janvier pour présenter nos veux, sincères ou non, à tous ceux qui appartiennent à notre cercle professionnel ou personnel. Je ne reviendrais pas sur ce sujet, déjà évoqué l’an dernier, mais je voudrais juste citer cette phrase d’Aragon, dénuée de toute mauvaise interprétation: « Un jour ne suffit pas pour exprimer […]

Nous avons officiellement jusqu’au 31 janvier pour présenter nos veux, sincères ou non, à tous ceux qui appartiennent à notre cercle professionnel ou personnel. Je ne reviendrais pas sur ce sujet, déjà évoqué l’an dernier, mais je voudrais juste citer cette phrase d’Aragon, dénuée de toute mauvaise interprétation: "Un jour ne suffit pas pour exprimer à ceux que l’on aime, la force de cet amour".
 
Sans doute l’avez-vous remarqué, il y a des modes qui animent les débuts d’année. En 2015, nous avions subi le matraquage de la gastronomie allégée. L’idée d’un bien manger bio était sur toutes les langues, et dans toute la presse. L’année d’avant, les gourous philosophes avaient animé le premier janvier par des approches nouvelles de la vie, sensées nous apporter le bonheur. Une sorte de contemplation du quotidien. Pour 2016, le mot à retenir c’est « connecté ». Tout notre avenir dépend de ce fil invisible qui va nous relier à nos objets voire à ceux des autres ! Le monde est connecté, social et collaboratif. Il suffit pour s’en convaincre de regarder du côté de la Syrie.
 
Ce que j’aime généralement dès ce premier janvier, ce sont les pages entières (ou les émissions de radio et de télé), consacrées aux bonnes résolutions et leurs lots de promesses. Comment définir une bonne résolution ? On pourrait dire qu’il s’agit d’une idée qui a priori est censée nous faire du bien et que dans tous les cas... on abandonnera dans les 30 jours qui suivent. Et des bonnes résolutions, nous n’en manquons généralement pas. Les fumeurs crient haut et fort qu’ils arrêtent définitivement d’enrichir l’Etat et que demain, juré, ils remplacent la cigarette par un patch. Finie la dépendance, bonjour l’air pur. On sait tous que cette étape, ce graal attendu, ne s’atteindra pas facilement. Certes on retrouvera les plus courageux, vapotant ardemment en attendant la rechute. Les autres iront d’abord s’en griller une en cachette, avant d’avouer leur échec sur la place publique. On ne peut rien faire face au stress. Nous ne sommes que des êtres faibles. Et ne croyez pas que c’est une simple vue de l’esprit. Selon une étude publiée l’an dernier par la presse féminine, seuls 4% d’entre nous tiennent leurs bonnes résolutions. Des héros !
 
Il y a pourtant une catégorie sur terre capable d’en prendre et même de les tenir : les voyageurs d’affaires. Ne croyez pas que je plaide pour ma paroisse, mais cet univers professionnel est l’un des rares qui voit une grande majorité de ses membres prendre tous les ans la résolution de voyager plus pour le business. Et ce n’est pas moi qui le dit mais le très sérieux Washington Post qui, dans son étude "Obtenir le meilleur dans les affaires en 2016" relève que 78% des interrogés affirment "qu’aller sur le terrain rencontrer les clients ou les prospects" est une arme absolue pour le business. Qui pourrait en douter ? Le journaliste révèle que, six mois après, le poids du quotidien est toujours pénalisant et que la bonne volonté est un peu éliminée par la routine mais que globalement "Ce qui est dit est fait". Sans doute ce qui explique la hausse de 8% des voyages d’affaires en 2015 aux USA.
 
Mais on pourrait douter de cette vision plus qu’optimiste en écoutant, comme nous le faisons toute l’année, celles et ceux qui partent justement sur le terrain. Retards, stress, pression, fatigue, attentes… Bref, peut-on se promettre de voyager plus quand on connait les conditions actuelles du voyage en court et moyen-courrier ? En fait, toutes ces bonnes résolutions ne devraient venir que des acheteurs. Dire qu’en 2016 les conditions de voyage devront s’améliorer est sans doute une excellente résolution. On pourrait ajouter que si la recherche du Best Price est (malheureusement) une course obligatoire, on peut aussi faire la promesse de chercher à trouver le meilleur rapport qualité prix.
 
Heureusement, le voyageur met un bémol à ses plaintes et le dit clairement: "Quitter la pression de l’entreprise quelques jours permet de souffler ". Voilà donc la vision sociale du voyage. Celle qui éloigne de l’entreprise pour mieux y revenir. Mais chassez le naturel, il revient au galop et nombreux sont ceux qui reprochent à ce monde connecté de les traquer en permanence ! Jamais content ? Si, mais avec des nuances. Et c’est là que reviennent les bonnes résolutions : "je ne réponds plus à mes mails dans la minute, j’apprends à être zen, je ne suis plus en retard à l’aéroport…. ", etc. Je vous laisse compléter.
 
Il reste à convaincre nos acheteurs qui devront convaincre le DAF qui ira convaincre le DG qui en parlera au Big Boss. Toutes ces nouvelles approches du voyage ne passent pas la porte de la réalité. "Et pour cause", explique Alain Joyet, "Le plaisir et le confort professionnel qu’apportent un voyage réussi n’est pas une mesure d’entreprise". On préfère juger le résultat et qu’importe si le voyage a participé à l’atteindre. L’idée n’est pas nouvelle et voilà une décennie qu’elle est à la une de toutes les observations menées sur les déplacements professionnels. On tourne en rond.
 
Mais tout cela n’est finalement pas trop grave. Si l’on en croit les gourous technologiques qui nous promettent le meilleur pour les années à venir. Grâce à l’info en ligne ou sur mobile, on n’arrivera à l’aéroport qu’au bon moment. Notre GPS devenu intelligent nous guidera pour éviter les bouchons. Cool, d’autant que notre voiture ira seule à la gare, plus besoin de la conduire. La HD désormais intégrée à nos smartphones va servir de point de vidéoconférence, tout comme le wifi va assurer au stakhanoviste du travail la continuité entre son bureau et son train. Bref, on sera connecté et en contact sans même quitter sa chaise.
 
Je vois d’ici les bonnes résolutions de l’année 2020: arriver à se lever au moins dix minutes de sa chaise! Et si on se remettait au sport ? L’histoire est un perpétuel recommencement. Je me demande si j’ai bien tout compris ?

Pierre Barre