Ca bouge dans les compagnies aériennes

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On a touché le fond et maintenant il faut remonter à la surface. C’est ce que doivent se dire les opérateurs qui ont récemment fait des annonces pour le moins intéressantes. Car toutes les nouveautés vont dans le même sens : l’amélioration du produit aérien.

C’est d’abord le cas d’Air France. Notre transporteur national a présenté son choix de siège en classe affaires et il faut bien reconnaître qu’il est judicieux. Après tout, ce n’est pas parce qu’on copie une bonne compagnie que l’on fait des erreurs, bien au contraire. Bref, la nouvelle classe affaires d’Air France sera équipée comme celle de Cathay Pacific. Reste une petite interrogation : est-ce que les prestations servies à bord seront du même niveau que celles du transporteur de Hong Kong ? Il serait un peu incongru de mettre un gros investissement dans un équipement de qualité si les repas et les vins services à bord ne suivent pas le même chemin. Et il y a du pain sur la planche de ce côté-là.

L’investissement est donc de 50.000 € par siège et il y a un petit peu plus de 2.000 sièges à changer. Cela fait donc aux alentours de 100 millions d’€ si je ne me trompe pas. Or la compagnie nous annonce un coût de 200 millions d’€. Où sont passés les 100 millions manquants, soit le double de l’investissement préalablement annoncé ? Certes dans le calcul doivent entrer les aménagements de cabine nécessaires et les immobilisations des appareils, mais j’imagine que ces transformations seront faites chez Air France Industries. Ce qui sera un coût d’un côté représentera une recette de l’autre.

Pour finir, je ne peux m’empêcher de rapprocher ce montant d’investissement très important : 200 millions puisque c’est l’annonce faite, avec la provision de 320 millions d’€ passée au mois de septembre dernier pour provisionner le Plan de Départ Volontaires (dites PDV, comme tout le monde), lequel concerne 1500 salariés. Au fond, on dépense plus pour séparer des employés excédentaires que pour rééquiper ce qui constitue tout de même le cœur du métier de la compagnie. Et encore, cet investissement sera réparti sur plusieurs années. Si j’ai bien lu, la flotte des 44 Boeing 777 sera entièrement équipée fin 2016, et nous sommes au début de 2014. Les clients auront-ils la patience d’attendre si longtemps ?

Autre annonce surprenante et qui va toujours vers l’amélioration du produit est le partenariat annoncé d’Air France avec la compagnie d’aviation d’affaires WiJet qui opère des Mustangs, biréacteurs de 4 places. Petit problème : d’où vont partir les clients ? De Charles de Gaulle ou du Bourget ? Et comment seront commercialisés les vols de WiJet ? Par Air France, en continuation de billets Première, ou par WiJet directement ? Les communiqués ne sont pas clairs, mais peut-être aurons-nous plus de détails prochainement.

A l’autre bout du spectre du transport aérien, on apprend que la «pure low cost» Ryanair entame un virage intéressant lui aussi puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de faire évoluer son modèle pour converger avec les compagnies traditionnelles. Certes, nous en sommes encore loin, mais la venue du transporteur irlandais vers les grandes plateformes que sont Bruxelles Zaventem et Rome Fiumicino marque une vraie évolution. Cela signifie que Michael O’Leary et son «brain trust» ont fait l’analyse que la clientèle de bas de gamme, rien de péjoratif à mon sens, n’était pas suffisante pour supporter les énormes commandes d’avions qui seront bien livrées un jour ou l’autre. Déjà 80 appareils sont « gelés » tous les hivers car le marché touristique est en très nette baisse et la compagnie ne peut s’en sortir qu’en utilisant à fond l’extrême flexibilité dans l’emploi de son personnel que permet encore, mais pour combien de temps, la législation irlandaise.

Alors Ryanair, tout comme Easyjet d’ailleurs qui a entamé son évolution depuis près de 2 ans maintenant, viennent chasser sur les terres des transporteurs traditionnels en proposant un produit presque identique. Gageons que cela marquera la revanche des agents de voyages si fortement méprisés jusqu’alors par les transporteurs «low costs».

Il y a place pour tout le monde, mais pour équilibrer les charges d’une compagnie aérienne, même si elle a recherché par tous les moyens à faire baisser ses coûts, il faut bien une clientèle à haute contribution et pour cela il faut lui fournir un produit adapté. C’est ce qui est en train de se passer. Et c’est tant mieux.

Jean-Louis BAROUX