Cinq conseils à donner aux jeunes voyageurs saisis de la «fièvre acheteuse»

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Selon la Business Travel Association, les jeunes voyageurs d’affaires américains auraient retrouvé la «fièvre acheteuse». 54% des moins de 30 ans affirment qu’ils apprécient pleinement le peu de temps qu’ils peuvent consacrer au shopping lors d’un déplacement professionnel. Ils sont plus de 64 % à dire qu’ils ont déjà fait leurs emplettes à l’étranger. Snobisme ? Pas du tout. Une simple affaire de prix.

Qui n’a pas dans son entourage, un voyageur capable de détailler, pays par pays, les objets du quotidien qu’il a pris soin de rapporter d’un déplacement professionnel. Chaussures pour les uns, chaussettes pour les autres, chemises sur mesure en Asie, gadget électronique à Hong Kong ou Singapour… Le quotidien d’un jeune voyageur d’affaires est naturellement fait de tentations... avec à la clé le risque de quelques soucis financiers sévères.  Au-delà, que ce soit pour la famille, ses propres collègues ou son plaisir personnel, le piège de l’achat permanent se referme souvent sur les novices qui oublient que le prix n’est pas la seule composante à prendre en compte.
 
Comment remarquer les premiers effets de cette fièvre acheteuse ? En écoutant les voyageurs à leur retour. Nouvelles tenues, nouveaux gadgets… sont des signes à surveiller. Enfin, les services comptables saisis de demande d’avance sur salaire sont aussi de bons indicateurs. Dans tous les cas, il n’est pas facile d’intervenir. Et pourtant, n’est-ce pas le rôle de l’acheteur « voyages » d’assister les cadres débutants dans leurs approches du monde ?
 

1 - Expliquez-leur le piège du moins cher

«Le toujours moins cher est l’une des composantes essentielles du voyageur d’affaires qui, à l’occasion de ses déplacements, croise un grand nombre de tentations qui ne sont pas forcément associées un besoin immédiat. Là est le piège», explique Alain Bonnet, responsable surendettement d’une grande banque française. «Il est toujours bon qu’un collègue expérimenté, Travel manager ou un acheteur proche de ses voyageurs puisse expliquer pourquoi partir au bout du monde ne veut pas dire rapporter un nombre incalculable d’objets divers et variés».
 
Beaucoup d’acheteurs, vous diront qu’ils n’ont pas à materner les jeunes voyageurs qui débutent leur carrière dans le monde des déplacements professionnels. Il apparaît même difficile pour beaucoup d’entre eux de se mêler de ce qui tient plus de la vie privée que de l’approche professionnelle. En clair, c’est plus un geste d’amitié vis-à-vis du voyageur qu’il faut envisager. Autant dire que la mise en garde n’est pas facile et que seuls les collègues proches peuvent jouer ce rôle de grand frère qui évitera les déficits et les découverts souvent difficiles à combler.
 
D’autant que dans la réalité, «moins cher» ne veut pas toujours dire grand-chose. C’est avec l’expérience, et la fréquence des déplacements, que l’on se rend compte de l’intérêt ou non de faire l’acquisition de tel ou tel objet. Exemple, l’électronique sera véritablement moins chère à Hong Kong qu’à Singapour ou à Shanghai. A contrario un costume ou des chemises sur mesure seront plus abordables à Bangkok qu’à Taïwan. Ce type de liste est sans fin et seul l’échange entre voyageurs permet d’obtenir ce sésame un peu particulier qui consiste à trouver l’objet le moins cher dans le monde.

Mais il faut aussi et surtout rappeler aux plus jeunes voyageurs qu'il faut bien calculer le prix net:  l'achat peut-être frappé de frais bancaires (paiement en CB hors zone euro), de taxes (exemple aux Etats-Unis ou le prix affiché est hors taxes et les taxes variables d'un Etat à un autre) voire de frais de douane si l'achat dépasse le seuil autorisé (en gros, 430 € hors Europe!

2 - Expliquez-leur le piège de la Duty

Ne pas payer de taxes ne veut pas forcément dire payer moins cher. Le meilleur exemple se situe du côté des parfums où la mondialisation a conduit les duty-free à positionner leurs prix de façon quasi identique d’un continent à l’autre. Officiellement, ce sont les parfumeurs qui imposeraient un tarif minima aux boutiques d’aéroports. Sur la forme, l’explication est assez juste. C’est sur le fond qu’elle est un peu différente. Car si l’on paye en dollars, dans un pays où le change est favorable, le prix établi par le parfumeur est souvent inférieur à celui proposé en France. Gare aux frais bancaires qui transforment la dépense en fausse économie. D’autant que la différence de prix sur un parfum n’est pas exceptionnelle. Elle peut, dans le meilleur des cas, atteindre 12 à 15 €. Mais en règle générale, on est plus près de un à cinq euros le flacon. Impératif: connaître le prix du produit visé en France TTC pour une quantité donnée. L'info glissée dans le bloc note du smartphone, la comparaison est plus facile... Et en cas de doute, grâce au wi-fi gratuit proposé dans la plupart des aéroports, n’hésitez pas à consulter sur place un site français spécialisé (Marionnaud, la Fnac, Boulanger…) ou un vendeur en ligne (Amazon, Priceminister…) pour valider l’intérêt du prix qui vous est proposé sur place.

Seule exception à ce constat, les cigarettes dont le prix varie du simple au quintuple selon les pays. Si l’on trouve encore des cartouches à 12 € en Chine, beaucoup de spécialistes affirment que les tabacs utilisés seraient de moins bonne qualité que ceux proposés dans le pays d’origine. Explication qui n’a jamais été prouvée et que bien des fumeurs contestent.

Enfin, dernier point l’alcool qui, là aussi peut atteindre des différences importantes en fonction du pays visité. Mais attention, le problème ne se situe pas au niveau du prix mais du transport. Une bouteille achetée à l’aller devra être intégrée dans sa valise au retour… Qui elle-même sera enregistrée. D’où une attente bagage à l’arrivée. Time is money ! Il faut donc dans ce cas acheter de l’alcool au retour. Et bien comparer les prix, en prenant garde à se limiter aux quantités autorisées hors taxes.
 
A noter, si vous en avez le temps le week-end précédent le départ, la plupart des grandes duty-free dans le monde propose des sites internet où il est facile de comparer avant de voyager.

3 - Expliquez-leur la notion de besoin

L'occasion fait le larron, il n'est pas rare de voir de jeunes voyageurs craquer devant de magnifiques opportunités... totalement inutiles. «C’est l’une des notions les plus complexes à expliquer un jeune voyageur », reconnaît Alain Joyet, sociologue d’entreprise, «Le besoin est une idée extrêmement diffuse qui tient compte du moment où l’on souhaite acquérir un objet, du prix demandé et du niveau d’intérêt manifesté par l’acheteur ».

Et de fait, on ne lutte pas contre cette image du besoin aux contours flous et différents selon chaque individu. Faut-il alors jouer les rabat-joie dans l’entreprise ? Là est la question. «On ne peut intervenir dans la vie des gens sans prendre le risque d’être un casse pied qui se mêle de ce qui ne le regarde pas», souligne Alain Joyet. Mais il est difficile de laisser un(e) jeune collègue plonger dans la fièvre acheteuse! La ligne à ne pas franchir est mouvante. A vous de juger quand délivrer vos conseils.
 

4 - Expliquez-leur que la bonne affaire revient toujours

Qui n’a pas entendu cette phrase d’un voyageur au retour d’un déplacement professionnel : «j’ai vraiment fait une bonne affaire». C'est parfois vrai mais dans la réalité, l'aveuglement de l'enthousiasme peut l'emporter. Tous les spécialistes vous le diront, la bonne affaire est un marronnier qui revient toujours. La seule différence, c’est de savoir si, au moment où l’on souhaite la faire, elle correspond à la réalité économique du produit en France ou ailleurs dans le monde. Une bonne affaire à New York n’est pas forcément une bonne affaire à Calcutta.

Faut-il pour autant abandonner son envie d’acheter sous prétexte que la comparaison va demander du temps et un nombre incalculable de voyages ? Non, car Internet est devenu aujourd’hui la meilleure aide à l’achat et ce quel que soit le pays où l’on se trouve. On peut également échanger son savoir et ses constats tarifaires avec d’autres voyageurs de la même entreprise. Aux États-Unis, un club d’acheteurs s’est créé dans la Silicon Valley pour mettre en ligne les tarifs relevés dans les différents duty-free du monde entier. Les constats sont parfois surprenants pour ne pas dire détonnants. Et si vous pensez que le nombre de voyageurs de votre entreprise est suffisamment important pour le faire, lancez-vous dans ce type de réseau interne! Tout le monde y gagnera, y compris vos collègues.
 

5 - Expliquez-leur les dangers d’acheter pour tiers

Les douaniers sont formels: lorsqu’ils arrêtent un passager de retour d’un voyage d’affaires et qu’ils constatent une infraction sur des objets qu’il transporte dans sa valise, c’est généralement au niveau de la contrefaçon que se situe le problème. Et la liste des objets ainsi récupérés, sans oublier l’amende associée, est quasiment toujours la même: des produits de luxe qui vont de la chaussure de sport au sac à main en passant par les polos, les T-shirts et autres éléments de mode. Il y a quelques années, toujours à Hong Kong, il était possible d’acheter à l’embarcadère du ferry des polos d’une très grande marque au crocodile, parfaitement réalisés, officiellement «tombés du camion». L'explication: la chaine étant lancée, des exemplaires étaient fabriqués en plus de la commande du client européen, et passaient hors circuit. Pour moins de cinq euros, on pouvait ainsi disposer d’une collection complète de de chemises griffées. Trop beau pour être vrai car, en fait, il s’agissait bien de contrefaçons.
 
Tous les voyageurs connaissent à Shanghai le Fake Market, immense supermarché de la contrefaçon où toutes les marques sont représentées, de Nike à Bose via Beat ou Lacoste. Y faire ses courses serait une erreur car, contrairement à ce que l’on croit, les douaniers français connaissent parfaitement les lieux, les risques de contrebande au retour d’un vol en provenance de Shanghai et surtout, les prix négociés que l’on peut obtenir sur place. En clair ne prenez pas les Pandores pour des imbéciles car ils savent utiliser Internet aussi bien que vous pour se renseigner. Mieux, ils disposent sur place de sources d’informations d’une fiabilité exceptionnelle. Enfin, si vous n’êtes pas un négociateur hors-pair, dites- vous que dans tous les cas de figure vous vous ferez arnaquer en croyant avoir fait une bonne affaire à un bon prix. Les chinois sont les vrais rois des affaires !