Claire Suedile, TM BNPParibas: «Curieusement, le business Travel est complexe mais encore très artisanal»

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Lauréate du Prix Amadeus du Professionnel de l’année, Claire Suedile est une boule d’énergie. Issue d’Amex où elle était responsable de clientèle, elle a changé de côté du bureau en 2010 lorsqu’elle a été recrutée pour devenir «Travel Manager » de BNP Paribas France puis Global Travel Manager deux ans plus tard. Un sacré challenge, relevé avec détermination.

Connaître le périmètre du business Travel au sein de BNP Paribas, c’est déjà en soi un vrai défi. Entre la banque d’investissement, la banque de détail, la banque privée, les filiales, les différentes fonctions et les milliers de collaborateurs du groupe, il y a de quoi perdre son latin. «En France, BNP Paribas a recensé en moyenne 20 000 voyageurs et 8000 bookers, avec une extrême hétérogénéité des profils puisque dans certaines entités il y a 5 assistantes pour 3000 voyageurs, et dans d’autres autant de bookers que de voyageurs !», reconnait Claire Suédile. Quant à savoir le nombre de voyageurs dans le monde, c’est presque une énigme : «Je connais les volumes et les dépenses, mais chaque pays est totalement autonome, il n’y a ni agence ni moyen de paiement en commun». D’où le défi qu’a constitué sa prise de poste en 2010, avec une double casquette de TM monde et de TM France dans un contexte très difficile avec l'agence de voyages en place.

Mettre le dossier à plat

Côté monde, «Mon premier travail a été de constituer une communauté des TM du groupe, et d’essayer d’établir une carte des dépenses». Dans un groupe où certains pays n’ont pas de reporting consolidé, c’est en soi un challenge. «Nous avons mis en place une démarche consultative, établi des fiches pays à partir des informations dont nous disposions pour tracer le nombre de voyageurs et les événements qui ont ponctué l’année. Mon objectif était de recevoir le plus de réponses possibles sans perturber le fonctionnement, afin de trouver des synergies et d’être force de proposition». Démarche hautement diplomatique, reconnait Claire, qui joue ainsi le rôle de tête de pont et de point de référence pour pouvoir répondre aux achats ou les alerter sur de possibles leviers d’économies.

Côté France, Claire a contribué au lancement simultané de 3 chantiers dès son arrivée : un «recovery plan» pour améliorer les livrables avec Carlson, l’agence en place, lancer un appel d’offres agence et un appel d’offres outil. «Le travail s’est fait en impliquant au maximum les voyageurs/bookers», souligne Claire, puisque les problématiques rencontrées par les collaborateurs constituaient le thermomètre des questions à régler. C’est par interview que l’équipe Travel a choisi de travailler : une centaine d’entretiens ont été réalisés, afin d’établir un état des lieux le plus précis possible. «Nous avons ainsi identifié plusieurs grands axes d'amélioration : facturation, contact client, billetterie, etc, tout y a été traité». Du contact client à l’absence de billet, de l’erreur de réservation à l’accueil téléphonique, six mois ont été consacrés à cet état des lieux avec plan d’action et mise en place de jalons pour améliorer les résultats. Parallèlement, les appels d’offres sont lancés : le contrat Carlson est finalement renouvelé, et KDS est choisi pour fournir l’outil booking. Un outil unique pour l’ensemble des entités en France, afin de simplifier et favoriser la qualité du reporting.

Un outil déployé en 18 mois

Il y a officiellement une seule Politique Voyages Globale au sein du groupe BNP Paribas, mais chaque entité peut se l’approprier pour éventuellement en durcir certains éléments, si bien que le déploiement de l’outil KDS a demandé des ajustements multiples. Il a été accompagné par une vraie politique de «change management» et des formations à 3 niveaux : in situ sur une demi-journée pour environ 650 personnes (toutes celles qui pratiquaient au moins une résa/semaine) avec exercices à la clef et scenario d’utilisation, un webex et de l’e-learning pour les autres. «L’objectif était de gagner la confiance des utilisateurs, de leur montrer que nous connaissions bien l’outil, ses avantages et ses limites, de le faire évoluer grâce à leurs remarques, et d’obtenir au maximum leur adhésion». L'utilisation de l’outil est obligatoire pour la billetterie avec paiement par carte logée, «l’hôtellerie nous échappe en partie pour l’instant» reconnait Claire. L’avantage: un seul et même historique, pour le online comme pour le off line (réservé uniquement aux voyages complexes). «Aujourd’hui nous avons 90% de online», souligne Claire.

L’enthousiasme, mais la vigilance

Venant d’une agence, Claire reconnait que son travail d’approche a été facilité par son expérience : «Je savais ce dont l’agence avait besoin, les limites de ce qu’elle pouvait faire mais aussi ce que je pouvais exiger en qualité». Un travail en empathie qui a permis d’obtenir un partenariat au sens propre avec l’agence, des relations aujourd’hui apaisées et constructives même si le changement de chef de plateau fin 2013 a obligé Claire à reconstruire une nouvelle relation : «Il faut rester vigilant, suivre la relation, l’entretenir, la nourrir». Pas toujours évident, d’autant qu’il faut sans cesse prouver, en interne, que «gérer le travel, ce n’est pas aussi simple que de réserver un billet d’avion». Il faut donc sans cesse vérifier que les procédures sont suivies, expliquer pourquoi certains reporting ne sont pas possibles à éditer : «Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le travel est encore très artisanal mais complexe. Il faut expliquer que les classes de réservation ne sont pas les mêmes d’une compagnie à une autre, que le marché n’est pas totalement mature, et c’est un message qui n’est pas toujours évident à faire passer», reconnait Claire, «C’est du travail de Travel Manager pur et dur. Il ne faut pas avoir le même niveau de langage selon les interlocuteurs. Expert pour l’agence, mais surtout pas jargonneux pour les voyageurs/bookers. C’est passionnant mais parfois difficile d’expliquer la mécanique !».
En complément du suivi au jour le jour des réclamations (traitées par l’agence de voyages quel que soit le fournisseur en cause), la satisfaction des utilisateurs BNP Paribas est évaluée très régulièrement lors de réunions d’échange, d'enquêtes de satisfaction, permettant de recueillir leur retour d’expérience et d’adapter la feuille de route avec l’agence de voyages si nécessaire. Grâce à l’ensemble de ces actions, la qualité de service est en amélioration constante.

De nouveaux challenges se préparent

Le dernier gros chantier a consisté à mettre en place un reporting avec des indicateurs utiles pour les entités mais aussi pour le Comex : «C’est un reporting qui va au-delà des statistiques de base puisqu’il inclut du benchmark et permet de fournir par exemple aux entités des tarifs de références, afin de mettre en place des leviers pour l’optimisation des dépenses», souligne Claire. En complément d’informations très factuelles, ce reporting fournit des indicateurs innovants portant sur la consommation de gaz à effet de serre, les comportements et pratiques de réservation, des repères en termes de prix à payer sur les différentes prestations permettant d’identifier des potentiels d’économie, et bien sûr des éléments de benchmark interne pour pouvoir évaluer sa performance au sein du Groupe. L’objectif est ainsi d’ouvrir le chantier de l’optimisation tarifaire. Il s’accompagne d’un chantier sur la facturation et d’un autre sur la sécurité «en partenariat avec International SOS», précise Claire.
Enfin les prochaines semaines devraient aussi permettre, après le déploiement de l'outil KDS, la simplification du paramétrage afin de l’adapter au mieux aux besoins des utilisateurs. «Les bases du travel management sont là, il faut maintenant faire grandir le bébé !», remarque Claire Suédile, qui n’a pas perdu une once de sa détermination en 4 ans.

Annie Fave