Collaboratif, les limites du système se font désormais sentir

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Travel manager européen, installé à Londres, je viens de lire l’excellent éditorial d’Amid Faljaoui* qui évoque la fin des commentaires sur les articles publiés en Belgique dans le Vif et sur Tendances Trend. Le directeur des rédactions explique que les dérives constatées, malgré les moyens mis en œuvre, ne sont pas dignes de l’échange qui doit régner entre les lecteurs. Internet a naturellement dévoyé ce qui apparaissait comme un dialogue utile pour le transformer le plus souvent en un torrent d’insultes.

Cette position, que d’autres titres de presse dans le monde adoptent, n’est pas sans rappeler la bataille des chauffeurs de VTC face à leur employeur UBER. Elle ressemble aussi au combat des hôteliers contre AirBnb ou aux transporteurs ferroviaires face aux sites de covoiturages comme blablacar. On appelle cela la "guerre de la nouvelle économie", même si on doit constater que pour beaucoup de «victimes» de cette bataille, l’idée de revenir à l’ancienne économie est de fait séduisante.

L’exemple des VTC est frappant. Que demandent les chauffeurs ? L’intervention de l’Etat pour éviter l’esclavagisme moderne. D’autres veulent au final le même statut que les taxis, sans les contraintes. Les hôteliers veulent que tous les acteurs payent des taxes… Même sur le black ? Quant aux pros du ferroviaire, ils préfèrent racheter les concurrents. C’est cher mais plus rapide.

En relisant un article du Monde paru voici quelques mois, je me suis aperçu qu’à la base même de ces difficultés on évoquait toujours l’omniprésente technologie. Elle laisse croire que réussir est si simple que, selon l’auteur de ce texte, "une startup se crée dans le monde toutes les 5 minutes". Sans doute, autant disparaissent aussi vite. J’avoue que ce résumé peut apparaître simpliste mais le monde fait des affaires depuis sa création, que ce soit avec un boulier ou un ordinateur ! Le commerce, la vente et la relation humaine ne sont pas des inventions récentes et la relation à l’argent est aussi vieille que le monde.

Pourquoi cette digression ? Simplement pour rappeler qu’une idée et un clavier ne font pas un chef d’entreprise. Une récente enquête a même montré que la rentabilité des startups n’était que la 3ème préoccupation de leurs créateurs. La première ? Lever des fonds et la seconde, développer la technologie. Sans doute ai-je vieilli car cette vision m’a fait froid dans le dos. Cette fameuse réflexion 2.0 reste de la réflexion. Et comme premier outil : le cerveau ! On ne peut pas dire qu’il soit digitalisable. Du moins, pas encore.

Et dans mon entreprise ? Moi qui croyait que les nouveaux entrants, généralement âgés de moins de 30 ans, allaient me forcer à une permanente remise en cause, je dois reconnaître mon erreur. Je les trouve classiques voire un peu vieux. D’autant que leurs remarques me ramènent vingt ans en arrière. "Pourquoi ce tarif sur le SBT ?", suivi du classique "A ce prix là, je pourrais voyager en business". J’en passe et des meilleurs. Rien de très neuf sous le soleil.

Depuis un an, nous avons mis en place une commission « voyage » que je pilote et qui est constituée d’une dizaine de voyageurs de l’entreprise. N’y cherchez pas une quelconque volonté de faire bouger l’économie collaborative. Je constate que le chacun pour soi y règne en maître. On reste dans la jalousie et le "toujours plus" quitte à dénoncer les mauvaises pratiques... des autres.

J’avoue qu’à la sortie d’une telle rencontre, je comprends mieux pourquoi les commentaires sont supprimés sur les sites. Heureusement, l’intranet n’est pas anonyme, les collaborateurs se retiennent, sinon j’en prendrais pour mon grade. Et vous, comment faites- vous ?

AC

* Lisez l'éditorial d'Amid Faljaoui