Comment compenser son voyage d’affaires : mode d’emploi

457

Réduire l’empreinte environnementale des déplacements professionnels : tel est l’objectif de la compensation carbone. Une démarche simple mais encore boudée des voyageurs d’affaires.

Comment compenser son voyage d'affaires : mode d’emploi
Je compense, tu compenses, il compense… mais nous ne compensons pas. La compensation carbone est dans toutes les bouches, y compris celles des acteurs du voyage d’affaires, mais elle reste marginale dans les faits. Des mécanismes complexes, des résultats abstraits, une mauvaise compréhension des process sont souvent à l’origine d’un renoncement des entreprises à compenser leurs émissions carbones. Alors qu’est ce que compenser ? Il s’agit d’investir dans un projet de réduction des émissions de gaz à effets de serre, pour contrebalancer les émissions de sa propre structure. Une problématique qui fait débat. Est-ce moralement responsable de polluer une chose et d’en nettoyer une autre pour rétablir l’équilibre ? Est-ce une façon maladroite de se donner bonne conscience ? Pour répondre à ces questions et fournir un cadre juridique à la compensation carbone, l’Ademe (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) a publié la «Charte de la compensation volontaire». Celle-ci propose d’envisager le climat dans son ensemble, et les gaz à effets de serre comme un volume global sur l’ensemble de la planète. Ainsi, un volume de gaz émis dans un pays peut-être compensé par une action ailleurs.

Plusieurs démarches possibles

Comment compenser son voyage d'affaires : mode d’emploi
Concrètement, compenser son voyage consiste à mesurer les émissions de gaz à effets de serre générées par les déplacements (avion, train, voiture, organisation de réunions ou de séminaires), puis à racheter des «crédits carbones» en finançant un projet de réduction des émissions ou de séquestration du carbone. Mais pour Eric Parent, fondateur de l’opérateur carbone Climate Mundi, le processus commence avant même l’émission : « La compensation n’est pas le début de la chaîne. Nous proposons d’abord aux entreprises du conseil sur la réduction des déplacements, et ensuite nous abordons le calcul et la compensation de ceux qui ne peuvent être évités». Pour commencer, les acheteurs voyages ont le choix entre différentes possibilités : calculer eux-mêmes leurs émissions via des calculateurs gratuits sur la toile, puis racheter des crédits carbones à la tonne directement sur le site d’un opérateur spécialisé. Ils peuvent également confier l’ensemble du processus à cet opérateur qui va effectuer un bilan carbone des déplacements professionnels et ensuite proposer différentes solutions de compensation.

Comment chiffrer ? Comment payer ?

Les calculateurs que l’on trouve sur les sites internet des principaux acteurs de la compensation - Compensation CO2, Action Carbone, Climate Mundi – voire même sur les sites des compagnies aériennes ne prennent que peu de critères en compte et sont le plus souvent dédiés aux seuls transports. Il suffit de saisir la ville de départ et d’arrivée, le mode de transport (avion, train, voiture), la classe de voyage et le nombre de voyageurs pour avoir une estimation. Mais les résultats sont parfois approximatifs, les émissions dépendant de la compagnie aérienne, du type d’avion ou de la marque de la voiture. C’est ici que réside toute la difficulté de la compensation : faire remonter suffisamment d’informations et de variables pour estimer précisément les G.E.S.. Les sociétés spécialisées dans la compensation peuvent alors intervenir. «Les acheteurs voyages ont la possibilité de nous transmettre des fichiers de données qu’ils ne savent pas traiter. Nous normalisons, trions, pour en sortir un fichier propre permettant une évaluation précise», explique Eric Parent. Les émissions liées à l’organisation de conférences peuvent par exemple être mesurées en renseignant la taille de la salle, la consommation énergétique du bâtiment ou des cuisines ayant servies à la restauration. Une communication autour des résultats et des actions de compensation entreprises permettent d'améliorer l'image de cette réunion, en plus d'être effectivement bénéfique pour la planète.

Reste que le Grenelle impose désormais ce bilan carbone des déplacements professionnels, intégré au bilan général de l'entreprise. Mais si la loi oblige, elle ne donne pas de solutions et n'a validé que très peu d'outils. Pour des estimations plus précises, la facture d’un bilan carbone oscille entre 8000 et 150 000 € selon la quantité d’informations et la taille de l'entreprise. Pour les coûts les plus élevés, des outils logiciels sont intégrés à la chaine de production et de voyages. AirPlus, par exemple, intègre ces données dans son reporting. Certains calculateurs, comme celui de Climate Mundi, propose gratuitement une estimation précise grâce à une multitude de champs de renseignement possibles. A titre d’exemple, compenser un vol direct Paris-New York revient entre 1.5 et 5% du prix du billet (environ 80 €), un Paris-Berlin entre 1.5 et 2% (environ 24 €), et un Paris-Hong Kong à environ 3%.

Où va l’argent ?

Comment compenser son voyage d'affaires : mode d’emploi
Un des problèmes essentiels de la compensation est bien sûr la confiance du voyageur portée à l’organisme compensateur. Les projets sont-ils fiables, comment savoir que son argent a bien servi à cette cause et pas à une autre ? Les projets sont en général décrits par les opérateurs sur leurs sites internet. Il peut s’agir de projets d’efficacité énergétique ou de mise en place d’énergie renouvelable en substitution d’une énergie fossile, ou encore d’emprisonnement de gaz à effets de serre. Action carbone investit par exemple dans des projets de construction de réservoirs à biogaz en Chine, ou de diffusion de cuiseurs solaires dans les pays andins. Chez Climat Mundi, il est possible de compenser via des projets de construction d’usines hydroélectriques au Mexique et d’usines de production d'électricité à partir de résidus agricoles en Inde. Et pour s’assurer de la validité du calcul de l’émission et du financement du projet, des organismes indépendants se chargent d’auditer les opérateurs carbone. «Le calcul des émissions est homologué par un consultant des Nations-Unies. Ensuite, un organisme de certification (Veritas Ltd, ndlr) remet un rapport concernant les réductions de CO2 effectivement générées», insiste le fondateur de Climat Mundi. Par souci de transparence, les rapports sont téléchargeables sur chaque descriptif de projet. Le cas échéant, les voyageurs ou acheteurs voyages sont invités à le demander à l’opérateur.
Certains fournisseurs d’outils de réservation surfent sur la vague du green travel et ont intégré un calculateur de CO2 directement sur le SBT. C’est le cas de KDS, spécialiste des logiciels de gestion des voyages en entreprises. Une fois la recherche lancée pour un trajet Paris-Londres par exemple, les émissions de CO2 du déplacement sont affichées sous chaque vol ou trajet en train (Eurostar affiche le CO2 sur les billets eux mêmes). Les émissions sont calculées par un algorithme de l’Ademe, enrichi par les fournisseurs par des données concernant les taux de remplissage, l’âge de l’appareil, le type de moteur…
Mais si l’outil permet de choisir l’option la moins polluante en fonction du transporteur, il n’offre en revanche aucune solution permettant de comparer la compensation. Une étape attendue en Europe et déjà testée en Allemagne par Siemens.
Comment compenser son voyage d'affaires : mode d’emploi
Compensation sans déduction
Les sommes injectées pour la compensation carbone ne sont pas déductibles des impôts. Si elles sont souvent citées comme « don aux oeuvres d'intérêt général », elles ne donnent droit à aucun abattement fiscal pour les entreprises ou les particuliers, comme l’indique cet extrait d’une publication au Journal Officiel : « Les personnes physiques et les personnes morales ne bénéficient d'aucune réduction d'impôt au titre des versements effectués en contrepartie du service de compensation de gaz à effet de serre. » (JO du 5 août 2008, édition des questions de l'Assemblée nationale).