Danger sur le transport aérien français

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La FNAM (Fédération Nationale de l’Aviation Marchande) a fait part très récemment de son inquiétude sur le transport aérien français. Cette annonce est étayée par un rapport très complet supervisé par Pascal de Izaguirre à la suite de travaux qui ont duré plusieurs mois. Ce n’est pas un effet d’annonce, c’est un vrai message d’inquiétude adressé aux responsables politiques. Il est sorti peu de temps avant les élections présidentielles, ce n’est pas un hasard.

Il faut dire que la situation n’est pas brillante. Petit à petit, ce secteur d’activité a perdu des parts de marché pour ne plus représenter que 36 % de celui-ci alors qu’il était majoritaire dans les années 1990. Cette perte s’est faite au profit d’abord des transporteurs « low costs » lesquels ont envahi le marché et quasiment phagocyté le transport domestique régional. Pas moins de 5 compagnies se partagent le gâteau que les transporteurs français ont dû abandonner faute de rentabilité : Ryanair, EasyJet, Vueling, Volotea et Flybe.
Le transport international a quant à lui subi la très forte concurrence des transporteurs du Golfe qui ont pris une très large part du marché à haute contribution.

Tout ceci n’est pas sans conséquences sur l’attractivité de la France. Alors que la croissance du transport aérien mondial a été largement supérieure à 6% l’année dernière, le trafic de Paris Aéroports, que l’on peut considérer comme un bon indice de mesure, ne s’est accru que de moins de 2,5%.

Les causes du déclin français sont bien connues des professionnels mais, semble-t-il, largement ignorées des Pouvoirs Publics.

Oh, bien sûr, les compagnies, au premier rang desquelles Air France, ont une part de responsabilité en ne réagissant pas à temps à l’arrivée des nouveaux concurrents. Mais, à leur décharge, elles ont dû affronter un environnement très pénalisant.

Des taxes, encore des taxes.
Le transport aérien français est le seul à devoir supporter la totalité de ses coûts et même plus. Alors par exemple que la sûreté doive être une affaire d’Etat, les charges afférentes, soumises d’ailleurs aux contraintes décidées par les autorités préfectorales, pèsent entièrement sur les épaules du secteur d’activité : il y en a pour près de un milliard d’€ par an.
D’ailleurs les Pouvoirs Publics n’hésitent pas à récidiver lorsqu’il s’agit de financer le Roissy Express en taxant les clients qui ne le verront jamais fonctionner. De qui se moque-t-on ?

Et je n’évoque que pour mémoire la « taxe Chirac » qui part certes d’un bon sentiment, mais qui ne concerne, pour l’essentiel, que le transport aérien français : 300 millions d’€ quand même.

Une législation sociale inadaptée.
Le transport aérien français est soumis aux charges sociales communes et cela paraît normal. Sauf que ses concurrents, ceux qui viennent directement sur le territoire métropolitain, ne le sont pas. Les charges patronales dans la moyenne des pays européens sont inférieures d’au moins 50% par rapport aux taux français, et je ne parle pas des avantages des compagnies du Golfe en la matière. Or les coûts salariaux pèsent de plus de 30% dans l’ensemble des coûts du transport aérien.

Des infrastructures vieillissantes
On a beau se gargariser sur les capacités de l’aéroport de Charles de Gaulle, de ses 4 pistes et 9 terminaux, il n’en demeure pas moins vrai que comparés aux standards internationaux, les aéroports français ne sont pas de niveau. Il ne suffit pas seulement de les rapiécer, même si les travaux sont importants comme à Orly, il faut les repenser dans une vision à au moins 30 ans, au moment où le transport aérien aura presque triplé.

Des Pouvoirs Publics indifférents et incapables de coordonner les différents acteurs.
Il ne sert à rien de se lamenter et de demander aux autres transporteurs de supporter les mêmes contraintes que les français ce qui est tout simplement impossible. Il faut faire justement l’inverse. Mettre les compagnies et les aéroports français aux mêmes standards économiques que leurs homologues étrangers. Mais ceci est uniquement l’affaire des gouvernants. La situation actuelle est la conséquence du peu d’intérêt que les divers Gouvernements ont marqué vis-à-vis du transport aérien. Par pure démagogie, on a privilégié le transport ferré pour faire plaisir aux classes moyennes alors que le transport aérien était soit-disant réservé aux classes supérieures. Depuis des années, voire des décennies, il n’est plus considéré comme stratégique. On en paie les conséquences.

Jean Louis BAROUX