Déplacements Pros : les entreprises n’intègrent pas les risques sur la vie personnelle

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Si la sécurité physique des voyageurs d'affaires est l'une des grandes priorités des entreprises, peu de sociétés prennent en compte les conséquences sociales et environnementales des déplacements professionnels sur leurs collaborateurs comme la fatigue accumulée dans les transports, le stress de la séparation des familles, le burn-out, les risques de pollution sur certaines destinations… C'est ce que révèle la dernière étude du Forum Vies Mobiles.

Une entreprise sur deux admet ne pas intégrer dans sa politique de déplacement les risques de burn-out ou de problèmes familiaux liés aux déplacements répétés ou de longue durée de ses salariés. Toutefois, les sondés semblent prêts à faire des efforts: parmi les sociétés ayant répondu par la négative, 70% se disent prêtes à intégrer ces éléments dans leur gestion des déplacements et 63% à mettre en place des check-up réguliers afin de repérer les difficultés rencontrées par les salariés.

Pas de différence dans la gestion des déplacements des salariés
Les déplacements liés au travail sont ceux qui prennent le plus de temps au quotidien : 50 minutes pour la moyenne nationale, 68 minutes en Île-de-France. Aujourd’hui, près de 50% des personnes mettant plus 35 minutes pour se rendre au bureau, estiment qu’il est très important de réduire le temps de transport.

Ceux-ci sont des moyennes. Dans la réalité, il existe des situations particulières, pas forcement identifiées par les entreprises. Par exemple, une personne sur deux est amenée à connaître une situation de grande mobilité au cours de sa carrière, soit au moins 2h de déplacement par jour, ou 60 nuits par an hors du domicile principal ou deux lieux de résidence. Pourtant l'étude montre que dans la majorité des cas, les entreprises ne différencient pas leur gestion des déplacements en fonction des profils des salariés : 67% des sociétés reconnaissent s’adresser de manière uniforme à l’ensemble de la population salariée de l’entreprise.

La productivité prime sur l'impact carbone
Pour 78% des entreprises, l’amélioration de la productivité des salariés est la motivation la plus importante pour mettre en œuvre une politique de déplacements. A l’inverse, seuls 28% des entreprises jugent importante la réduction de leur impact carbone.
- Aujourd’hui, la voiture, et plus largement les véhicules motorisés, restent les outils privilégiés par les entreprises pour gérer les déplacements domicile-travail des salariés. Cela passe par la mise à disposition de véhicules de fonction (81% des entreprises) et d’espaces de stationnement pour véhicules motorisés (92% des sociétés). Sur le marché automobile français, les véhicules de fonction représentaient 41% des ventes de véhicules neufs en 2015.
- Dans le même temps, seuls 24% des entreprises disent avoir mis en place un Plan de déplacement d’entreprises ; même si les plus grandes entreprises (plus de 1 000 salariés) sont plus nombreuses à en avoir mis en place, elles ne sont néanmoins que 34% à avoir adopté cet outil. Le chiffre chute encore pour les entreprises de moins de 1 000 salariés qui ne sont que 17% à en avoir adopté un.
 
Le télétravail : oui mais pas tout de suite
C’est sur le développement des solutions technologiques (généralisation des outils numériques, télétravail et développement de modes de transport plus rapides et plus fréquents) que comptent surtout les responsables des ressources humaines pour gérer, demain, les déplacements des salariés voire pour s’y substituer. Cependant, la moitié des entreprises estime qu’elle ne sera pas en mesure de mettre en œuvre ces changements avant au moins 10 ans.
De plus, le recours aux outils numériques, comme le développement du télétravail, ne pourra pas se substituer complètement aux déplacements physiques pour des raisons aussi bien pratiques (emplois postés, appropriation des outils), que juridiques (imputabilité des accidents de travail survenus au domicile du salarié en cas de télétravail) ou managériales (culture présentielle très développée au sein des entreprises françaises).
 
Sylvie Landriève, co-directrice du Forum Vies Mobiles explique: "Les technologies numériques ne font et ne feront pas disparaître les déplacements physiques. Pour le Forum, les entreprises doivent se saisir globalement de la question des déplacements de leurs salariés et de ses enjeux sociaux et environnementaux". Elle reconnaît toutefois que "À leur décharge, le problème est particulier puisqu’il se situe à la frontière entre vie publique et vie privée, domaine dans lequel les entreprises se doivent d’intervenir avec prudence. C’est pour cela que les pouvoirs publics doivent les accompagner. Ils pourraient par exemple encourager le développement d’offres de mobilité alternative destinées aux entreprises et en simplifier l’accès en proposant un interlocuteur unique. On pourrait également repenser la logique de zonage du territoire pour aller vers une meilleure répartition des activités et plus de mixité. Par ailleurs, l’enquête montre, qu’aujourd’hui, seuls 20 % des entreprises jugent très important le bien être des salariés ou l’accessibilité en transport en commun lors d’une décision d’implantation".