Droit de retrait ; que peuvent faire les voyageurs d’affaires face aux risques ?

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Une situation dangereuse peut légalement conduire des salariés à se retirer de leur poste de travail. Le code du travail dispose en effet : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation … ».

Droit de retrait ; que peuvent faire les voyageurs d'affaires face aux risques ?
Le texte place l’obligation d’alerter l’employeur en préalable, et il est admis que le droit de retrait nécessite que soit utilisée, préalablement ou simultanément, la procédure d'alerte de l'employeur, aucune formalité précise n’étant cependant imposée (l’alerte peut être verbale).

Il faut également insister sur les mots « raisonnable », « danger grave » et « imminent » : le salarié doit avoir un motif raisonnable de penser qu'il encourt un danger grave et imminent pour sa santé. La jurisprudence est venue préciser que le danger devait être exceptionnel, inhabituel et pouvant entraîner des blessures graves, le droit de retrait étant réservé à des situations exceptionnelles et nécessitant une réponse urgente. Le danger doit donc être grave et non simplement léger et l’accident doit être susceptible de survenir dans un délai très rapproché.

L’employeur doit alors faire procéder à une inspection des lieux de travail, et si le danger grave et imminent est avéré il doit ordonner les mesures nécessaires à la suppression ou la limitation du danger.

Dans l'attente de la réalisation des mesures préventives nécessaires, l'employeur peut muter le salarié qui s'est retiré de son poste de travail sur un autre poste. Cette mutation, provisoire ou définitive, est soumise aux règles habituelles de la modification du contrat de travail (avec accord écrit du salarié si la modification est d’importance).

Aucune sanction ni aucune retenue de salaire ne peuvent être prises à l'encontre d'un salarié ayant exercé valablement son droit de retrait. Le code du travail le précise clairement : « Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux ».

Quelques exemples :

- Il a été jugé qu’un chauffeur avait eu un motif raisonnable d’exercer son droit de retrait du fait de la défectuosité du système de freinage du camion de l'entreprise qui avait entraîné une interdiction de circulation émise par le service des mines, et qu’il avait encore un motif raisonnable de ne pas accepter de reprendre ce véhicule tant que l’employeur n’avait pas présenté le véhicule à une contre-visite afin que ce même service des mines puisse garantir l'intégralité des réparations effectuées.

- La justice a également considéré qu’était dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié chauffeur routier ayant refusé d'accomplir seul un transport en Biélorussie, dès lors que l'intéressé, informé par des articles de presse, et surtout par ses propres constatations lors de précédents voyages, de l'insécurité et du climat d'anarchie et de délinquance régnant dans ce pays, avait ainsi un motif raisonnable de penser que le fait d'accomplir seul ce transport présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Le droit de retrait vise des situations exceptionnelles de danger, mais la prévention des risques professionnels doit tout de même être une préoccupation constante des employeurs, le code du travail consacrant de nombreux textes relatifs aux obligations des entreprises en matière de prévention des risques professionnels.

Le document unique obligatoire : rappelons immédiatement que le défaut d’élaboration du document unique et l’absence de mise à jour sont pénalement sanctionnés. Ce document unique est en effet obligatoire, la loi précisant que compte tenu de la nature de l’activité exercée, l’entreprise doit évaluer les risques professionnels, consigner les résultats dans un document unique, mettre en œuvre des actions de prévention, informer et informer les salariés à la sécurité. Quels que soient la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, l’employeur doit transcrire dans un document unique, les résultats de l’évaluation des risques à laquelle il a procédé dans le cadre de son obligation générale de prévention des risques professionnels.

Le risque routier en mission et le risque routier de trajet

Le déplacement professionnel du salarié est un facteur de risque connu de longue date.

Les accidents routiers de trajets représentant plus de 40% des accidents mortels de travail un texte adopté en 2004 par la CNAMTS, et qui a valeur de recommandation, a précisé les dispositions de prévention conseillées :
- mesures d'évitement ou de réduction du risque (éviter ou limiter les déplacements en mettant à disposition des salariés un restaurant d'entreprise ou en favorisant la prise des repas sur le lieu de travail ; promouvoir les moyens de transport collectif, voire organiser ces systèmes comme le financement d'un bus assurant les trajets d'aller et retour d'une partie des collaborateurs de l'entreprise. La promotion du covoiturage va également dans ce sens) ;
- mesures visant à améliorer les conditions de sécurité concernant le transport individuel (aménagement des accès à l'entreprise et l'amélioration du stationnement des véhicules des salariés ; inciter les salariés à veiller au bon état de leur véhicule ; aménager de manière concertée les horaires en fonction de la météo ou de la circulation ; informer les salariés ; etc.).

Par ailleurs des mesures de prévention du risque routier en mission ont été précisées dans un texte adopté par la CNAMTS (en 2003) qui a valeur de recommandation :
- l'évaluation du risque
- l'évitement du risque
- la réduction de l'exposition au risque, notamment en définissant les moyens de transport les plus appropriés pour chaque séquence de déplacement (avion, train, véhicule automobile) ;
- des véhicules adaptés à la fois au déplacement et à la tâche à réaliser, aménagés et équipés pour permettre l'exécution des tâches dans les meilleures conditions de sécurité et maintenus en bon état de fonctionnement (vérifications périodiques) ;
- la préparation des déplacements, notamment en limitant les déplacements, incluant des temps de repos et privilégiant les itinéraires par autoroute ;
- un protocole pour communiquer en sécurité (pour régler l'usage du téléphone portable)
- des salariés ayant acquis les compétences nécessaires pour conduire en sécurité.

Les nouveaux textes d’application prochaine : les obligations de l’entreprise en matière de prévention des risques professionnels viennent d’être drastiquement renforcées, de nouveaux textes (loi du 20 juillet 2011, décrets du 30 janvier 2012) devant entrer en vigueur au 1er juillet 2012 !

Il appartiendra à l’employeur de désigner un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise. Ce ou ces salariés bénéficieront, à leur demande, d’une formation en matière de santé au travail.

A défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur pourra faire appel, après avis du CHSCT ou, en son absence, des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) appartenant au service de santé au travail interentreprises, aux services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), à l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) et à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et son réseau.

Jacqueline CORTES
Avocate au Barreau de Paris