Droits dans leurs bottes !

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Je reviens du «IATA World Passenger Symposium» qui s’est tenu du 16 au 18 octobre à Abu Dhabi, évoqué également ici. Comme tout ce que fait IATA, c’était très bien organisé et le sponsoring d’Etihad de grande qualité. Dès lors, on pouvait se concentrer sur les interventions des uns et des autres.

Droits dans leurs bottes !
J’ai d’abord retenu que le transport aérien dans son ensemble avait enfin pris la mesure de l’exaspération des clients en particulier les plus fréquents quant aux contraintes auxquelles ils sont soumis dans les aéroports. Une importante réflexion a été entreprise sous l’égide de Stephan Copart le « Project Manager Fast Travel », par parenthèses un ancien d’APG où il a fait ses premières armes. Il s’agit ni plus ni moins que de rendre fluide le transit aéroportuaire, ce qui reste un vrai « challenge ». Mais l’affaire est semble-t-il bien lancée et les recommandations finales de IATA auprès des aéroports seront faites très prochainement.

Sauf que, dans cette affaire, les investissements devront être faits par les aéroports et que les relations entre IATA et l’ACI semblent être plus cordiales qu’efficaces. Le raisonnement de IATA est imparable vis-à-vis des gestionnaires aéroportuaires. En clair : « Avec les procédures que nous mettons en place et l’installation par vos soins des matériels que nous avons sélectionnés, les clients ne passeront plus leur temps dans les interminables queues aux différents postes de contrôle, ils auront par conséquence plus de temps pour consommer dans vos zones commerciales ce qui vous rapportera largement assez d’argent pour couvrir les nouveaux investissements ». C’est peut-être vrai, encore que cela reste à démontrer car les clients en question peuvent très bien en profiter pour arriver plus tard dans les aéroports, mais de toutes façons, cela reste à être accepté par les aéroports qui supporteront les coûts.

Quoiqu’il en soit voilà une réflexion qui a du sens et qui mérite d’aller à son terme.

Beaucoup plus discutables étaient les débats liés à la distribution et à la commercialisation. Je vous résume le topo du point de vue des compagnies. « Nous sommes les grands perdants du transport aérien. Tout le monde gagne de l’argent et pas nous. Nos pertes sont par conséquent directement reliées aux gains des autres intervenants parmi lesquels les agents de voyages et les GDS . Il convient donc de s’en passer et tout ira mieux ». J’exagère à peine, je vous assure. Les distributeurs étaient peu présents et c’est bien dommage. Cependant j’ai relevé la remarque pleine de bon sens de Christoph Klenner qui est Secrétaire Général de « l'European Technology and Travel Services Association ». En clair, cet homme s’est adressé au représentant d’Etihad qui se plaignait de devoir passer par des intermédiaires : comprenez les agents de voyages et les GDS pour faire la remarque suivante : le billet moyen émis par une agence de voyages est de 500 $ et il coûte 25$ à la compagnie une fois tout compté, par contre un billet émis par la compagnie ne coûte que 21$, mais il ne rapporte que 400$. Faites le calcul.

Si au lieu de vouloir sans arrêt rogner les marges des « intermédiaires » le transport aérien faisait machine arrière pour retrouver la confiance de ces derniers, il se porterait infiniment mieux. Ce que les responsables des compagnies traditionnelles n’ont toujours pas compris, c’est que les clients sont au fond prêts à payer plus cher, mais qu’ils ne sont pas non plus des gogos. Pourquoi débourseraient-ils plus d’argent si on leur propose de payer moins cher une prestation identique ?

Au fond, le transport aérien souffre d’un management détaché des réalités. Voilà des gens qui ne raisonnent que par des courbes et des statistiques en oubliant simplement des règles de bon sens et qui d’ailleurs n’ont jamais payé leur billet d’avion. Ces bons directeurs ne comprennent pas l’intérêt de la proximité entre l’agent de voyages et son client. Ils considèrent l’agent de voyages comme une source de coûts plutôt que comme une opportunité de profits. Et bien entendu, tant qu’à baisser les charges, autant le faire sur le dos des intermédiaires voire même des clients plutôt que de les faire supporter par leur organisation interne, ce qui serait sans doute plus douloureux.

Les compagnies aériennes souhaiteraient avoir tous les contacts directs des passagers en cas disent-elles d’irrégularités et elles se plaignent que le seul contact renseigné dans le dossier réservation par les agents de voyages est justement le numéro de téléphone de l’agent de voyages. Mais chat échaudé craint l’eau froide et les agents de voyages savent très bien que, une fois en possession des renseignements directs sur les clients, les compagnies les contactent directement pour leur faire des propositions meilleures que celles des distributeurs. Et à la sortie elles ont une recette inférieure, elles se sont encore un peu plus fâchées avec les agents de voyages et le client n’en est pas plus satisfait.

Jean-Louis BAROUX