EasyJet vise le voyage d’affaires : pari ou approche visionnaire ?

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Voilà quelques mois, en annonçant ici même l'arrivée d'Easyjet dans le monde du voyage d'affaires, bon nombre de lecteurs, issus ou non de l'aérien, avait commenté ce sujet d'un simple mot : impossible.

Apparemment, la nouvelle patronne de la compagnie low cost (ou low fares) ne le voit pas ainsi. Dans un discours musclé à l'occasion de l'ouverture de la ligne Londres/Amman, elle a clairement confirmé cette vision. Mais en a t-elle totalement les moyens ? Pour faire vivre une compagnie aérienne, il faut de l'argent. Beaucoup d'argent pour assurer le renouvellement d'une flotte sûre et confortable. Beaucoup, beaucoup d'argent pour ne pas tomber sous le diktat des banques et assumer une communication commerciale agressive. Pour une low cost, les pistes de développement sont peu nombreuses. Soit on décide d'ouvrir des lignes quasiment toutes les semaines (quitte à en fermer d'autres) et faire payer les destinations qui vous accueillent (suivez mon regard), soit on cherche de nouveaux marchés à développer en mettant les moyens pour les pénétrer.
Vous l'aurez compris, le premier modèle est celui de Ryanair, il marche à fond et réussit plutôt bien. Le second est celui choisi par Easyjet. Un pari plus qu'une réussite annoncée. Incontestablement Carolyn McCall, la présidente de la compagnie, a pesé le pour et le contre avant de prendre la voie risquée d'un développement fort sur le marché du business travel. Encore faut-il qu'elle possède des atouts à proposer aux entreprises. Il y a deux critères essentiels pour séduire un acheteur et ses voyageurs. Le premier, c'est la fréquence. Il faut un certain nombre de vols par jour pour assurer la flexibilité attendue. Le second, c'est la capacité qui elle seule donne de la visibilité sur la disponibilité de sièges au dernier moment. . C'est le mariage des deux qui permet à une entreprise de faire le choix d'une compagnie aérienne capable de rapatrier des voyageurs qui auraient "loupé" leur vol en raison d'une réunion qui se prolonge. Malgré les contraintes économiques imposées, l'entreprise qui fait le choix des voyages d'un jour demande que le retour soit garanti et ce, même en cas de problèmes. Certes, EasyJet, qui affirme séduire 18 % de voyageurs d'affaires sur les 50 millions de passagers qu'elle transporte, a la capacité de prendre des parts de marché sur des destinations précises. En voulant faire de Londres, Paris et Genève des bases commerciales stratégiques, la compagnie sait qu'elle devra être irréprochable sur les vols de proximité, entre une et deux heures de vol. En France, Nice comme Toulouse qui sont déjà des enjeux forts pour EasyJet, devront proposer des liaisons supplémentaires pour coller à la demande du marché. D'autant que de simples services comme l'embarquement prioritaire ou la modification d'un billet ne suffisent pas à peindre en "business travel" une offre grand public.
Pour répondre à ces besoins, Easyjet a trouvé la solution : exit les destinations qui ne marchent pas, redéploiement des appareils sur celles qui tournent et mise en place d'une force de vente dédiée. En y regardant bien, la compagnie pourrait rapidement réinventer ce qui fait le succès de l'aérien depuis des années : les compagnies régulières.

Hélène Retout