Elections législatives dimanche en Thaïlande, prudence

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La prudence est de mise ce dimanche 3 juillet en Thaïlande. Géos, spécialiste de la gestion des risques, nous détaille les raisons pour lesquels ce rendez-vous des élections législatives, qui s'inscrit dans le cadre du processus de réconciliation nationale, plus d’un an après que l’armée a délogé les « chemises rouges » du centre de Bangkok, pourrait mener à un nouveau cycle de violences.

Elections législatives dimanche en Thaïlande, prudence
"En effet, 1 an après les événements qui ont affecté la capitale, l’issue des élections apparaît incertaine. Malgré les procédures judiciaires engagées à l’encontre des membres des « chemises rouges », affiliés au Puea Thai, l’opposition est créditée dans les sondages d’une certaine avance vis-à-vis du parti démocrate au pouvoir. Si une victoire électorale est envisageable, la tradition parlementaire thaïlandaise et le jeu des alliances ne garantissent cependant pas la formation d’un gouvernement issu du Puea Thai. De son côté, le Premier ministre Abhisit semble engagé dans une quête de légitimité politique nationale qui lui fait défaut depuis les circonstances de sa nomination – blocages des aéroports de Bangkok par les « chemises jaunes », renversement des alliances au parlement – en 2008 et sa gestion de la crise de 2010 à Bangkok, qui a fait 92 morts et plus de 2 000 blessés. Enfin, les éléments ultra-monarchistes et une partie de l’armée restent défavorables à un retour au pouvoir de l’opposition. Si la perspective d’un coup d’Etat n’est pas à exclure, les actions devraient toutefois se traduire par des pressions politiques, judiciaires, des attaques ciblées perpétrées par les factions les plus radicalisées – issues des deux camps – et de nouvelles manifestations, quels que soient les résultats de dimanche.
Si le clivage antagoniste entre les « chemises jaunes » et les « chemises rouges » demeure, les récentes évolutions ont laissé apparaître quelques dissensions internes qui pourraient potentiellement affecter le Parti Démocrate, sa coalition et le gouvernement actuel, si ce dernier était confirmé dans sa fonction. Ainsi, depuis le début de l’année, les « chemises jaunes » se sont clairement désolidarisées du Premier ministre Abhisit Vejjajiva, notamment au sujet des tensions diplomatiques et du litige frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge. De la même manière, au sein-même des élites thaïlandaises, le cabinet royal et certains éléments pro-monarchistes – dont l’actuel Commandant en chef de l’Armée Royale, le général Prayut Chan-Ocha – militent activement en coulisses contre le Premier ministre actuel qu’ils considèrent comme trop conciliant à l’égard de l’opposition. Cette situation bénéficie donc aux « chemises rouges » et au Puea Thai qui a désigné Yingluck Shinawatra – sœur cadette du Premier ministre Thaksin Shinawatra, renversé par le coup d’Etat du 19 septembre 2006 – comme candidate principale aux élections du 3 juillet. En dépit de sa « jeunesse » politique, Yingluck apparaît aujourd’hui comme la favorite dans les sondages d’opinion pour succéder au Premier ministre Abhisit. Toutefois, si elle devait être élue, un certains nombre de militants – parmi lesquels de hauts dignitaires et militaires – pourraient être tenté de réagir par voie de justice ou par la rue, une nouvelle fois, avec la bénédiction du cabinet royal (piloté par la reine Sirikit) et une partie de l’armée.
Enfin, pour dimanche, les effectifs des forces de maintien de l’ordre (armée et police) ont été considérablement renforcés pour l’occasion sur l’ensemble du territoire. Bangkok et certains centres urbains du Nord et du Nord-est focalisent les attentions. Comme l’a illustré la campagne électorale, les autorités redoutent plus particulièrement les attaques à la bombe et les assassinats ciblés à l’encontre des militants ou de certains candidats. En outre, les tentatives de fraude pourraient être partiellement dénoncés et entraîner des heurts localisés entre militants aux abords des bureaux de vote".

Article extrait du Flash Géos n°50.