Emirates, entre Premium Economy et chute des résultats, quel avenir pour la compagnie du Golfe ?

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L’avenir est-il toujours aussi rose pour Emirates ? A cette question, les experts sceptiques doutent aujourd’hui d’un rebond économique de la principale compagnie du Golfe. L’annonce d’une forte baisse des bénéfices au 1er semestre a semé le trouble dans l’univers du transport aérien. Surcapacité, concurrence féroce et achats d’avions jugés irraisonnables, il n’en fallait pas plus pour semer le trouble au sein même de la compagnie.

"Une baisse de 75 % des bénéfices, que se passe t-il chez Emirate ?s » titrait la presse du Golfe il y a quelques jours. Interrogée sur le sujet, la compagnie met ces résultats en demi teintes sur le dos d’un dollar fort et assure que tout a été fait pour retrouver un niveau de revenus comparable à celui d’il y a un an. Mais cette assertion laisse sceptique les experts. Face à Emirates, Qatar et Etihad n’ont jamais ménagé leurs efforts. L’ouverture de lignes chez les deux concurrents locaux n’a pas plu chez Emirates où l’on blâme des "ventes à perte" pour conquérir de nouvelles parts de marché. Des propos réfutés par les deux compétiteurs.

Autre responsable montré du doigt : le prix du pétrole. La baisse du carburant a donné des ailes aux compagnies européennes, américaines et asiatiques. La bataille des prix en classe avant fait rage et le yield ne fait pas tout chez Emirates où la surcapacité constatée depuis 18 mois est désormais un handicap.
Mais ce qui inquiète les spécialistes, c’est la forte baisse de la trésorerie du groupe qui est passée de cette année, de 6,4 milliards de dollars en mars à 4,1 milliards $ en septembre. Et selon des sources internes, elle pourrait descendre sous la barre des 4 milliards. "En intégrant un avion par semaine dans sa flotte, Emirates doit en permanence gérer de nouvelles destinations ou de nouvelles fréquence", explique John Oarley un ancien de chez B&P devenu consultant dans l’univers du yield, "Ils vont devoir se poser pour réfléchir à de nouvelles stratégies, économiquement plus porteuses d’autant plus que l’aéroport de Dubaï ne peut plus servir à lui seul de vitrine, Doha ou Abu Dhabi ont rattrapé leur retard pour le plus grand bonheur des voyageurs".

"Attention de ne pas tirer de conclusions hâtives", explique John Strickland, consultant reconnu du transport aérien à JLS Consulting, "Emirates est en train de repenser son modèle pour proposer de nouvelles offres commerciales". De fait, la compagnie réduit sa flotte a deux modèles d’appareils : l’A380 et le B777. Et annonce l’arrivée prochaine d’une Premium Economy qui permettrait sans doute à terme de limiter la présence d’une first sur une partie des appareils.
Autre piste, la densification des avions sur les destinations demandées en Asie. L’arrivée de 615 sièges dans l’A380 engagé en décembre dernier est le premier maillon de la réflexion engagée par la compagnie. A la clé, des tarifs attractifs qui pourraient faire la différence pour les voyageurs à la recherche de petits prix.

Mais tous les soucis ne seront pas réglés. Emirates doit subir depuis quelques temps des refus d’opérer de la part de pays voisins. C’est le cas avec le Maroc et la non obtention du droit de trafic vers Casablanca en A380. Même lenteur constatée pour divers aéroports africains. Vers les USA, les premières annonces protectionnistes de Donald Trump confortent les projets de restrictions que veut imposer la nouvelle administration aux compagnies du Golfe. Qatar a compris le danger de rester isolé et a monté sa participation dans British pour contourner les possibles obstacles qui s’annoncent. Idem pour Etihad et ses compagnies partenaires en Europe. A ce niveau, Emirates a du retard et regarde désormais les associations encore possibles.

Pour John Strickland, l’avenir doit donc être repensé pour Emirates. Lui aussi pense que les aléas du moment seront vite gommés sauf si la concurrence se resserre. "N’oublions pas qu’il s’agit de compagnies d’Etat dont l’image de marque dans le monde mérite des sacrifices. Emirates porte Dubaï, il est naturel que Dubaï porte Emirates".