Et si l’on parlait de la sûreté des aéroports ?

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Les récents événements nous conduisent à nous interroger sur la sûreté des aéroports car après tout, ils constituent la cible majeure pour tous les terroristes et ce, quelles que soient leur obédience ou leurs motivations. Le transport aérien est par nature un média et s’y attaquer est l’assurance d’avoir une couverture mondiale, et c’est bien d’abord ce que les terroristes recherchent.

Alors, sommes-nous bien protégés ? Répondre à cette question est impossible pour le profane que je suis, et pourtant, en tant qu’utilisateur très fréquent du transport aérien, je suis à l’évidence tout à fait concerné.

Je note tout d’abord que, depuis le début de l’année 2015, les contrôles sont beaucoup moins prégnants à l’intérieur de la zone Schengen. Sur les vols Air France, il n’y a plus de contrôle d’identité lors des embarquements, ni d’ailleurs aux postes d’inspection filtrage. Les agents se contentent de vérifier que les passagers disposent bien d’une carte d’embarquement, sans s’assurer que le porteur de la carte d’embarquement est bien la personne physique qui voyage. En clair, n’importe qui peut acheter un billet, par exemple sur Internet, sortir la veille la carte d’embarquement correspondante et la donner à quelqu’un d’autre qui pourra voyager à sa place. Il vaut donc mieux s’assurer que le voyageur n’est pas une personne à risque.

Pour cela, il y a ce qu’on appelle les PIFs (Postes d’Inspection Filtrage). C’est le lieu où, selon l’humeur du contrôleur et les décisions administratives du Préfet du département où l’aéroport est installé, le passage sera plus ou moins désagréable. Les compagnies aériennes doivent s’acquitter de la taxe d’aéroport qui sert essentiellement à financer la sûreté aéroportuaire. Le montant est fixé par un arrêté ministériel. Pour la France, le dernier en date du 11 février 2015 est émis par le Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie et signé par délégation par le Directeur des Transports à la DGAC Mr Schwach. Il a été révisé ce jour-même, le 21 novembre 2015.
Cette taxe est différente selon les catégories d’aéroports. Pour la catégorie 1 dans laquelle il n’y a que les aéroports parisiens le montant est de 11,50 € par passager embarquant et de 6,90 € pour les passagers en correspondance. Les aéroports de catégorie 2 sont en France ceux de Lyon, Nice, Marseille et Toulouse. La taxe est variable selon les plateformes, la moins chère étant Nice avec 8,52 € et 5,11 € pour les correspondances et la plus onéreuse Marseille, avec respectivement 9,50 € et 5,70 €. L’ensemble des autres aéroports sont classés dans la catégorie 3 et ont une taxe uniforme de 13 € et de 7,80 € pour les correspondances.

Ces sommes sont loin d’être négligeables. Les aéroports français traitent plus ou moins 163 millions de passagers par an dont 92,7 millions uniquement pour les aéroports de Paris. A 11 € en moyenne, cela fait tout de même la coquette somme de 1.793 millions d’€. En fait la sûreté est devenue un vrai business qui fait vivre de nombreux salariés d’ailleurs très souvent sous-payés car les aéroports sélectionnent leurs sous-traitants en les mettant férocement en concurrence et en sélectionnant le moins disant. N’oublions pas que les sommes prélevées sur les compagnies, qui d’ailleurs les refacturent à leurs passagers, sont, en théorie, intégralement reversées aux aéroports, lesquels ont à charge de fournir les équipements techniques. On se demande d’ailleurs bien pourquoi les aéroports français et d’abord ceux de Paris, ne sont pas équipés de machines pour détecter les explosifs et autres objets dangereux cachés dans les chaussures sans avoir à les quitter. Ces machines sont utilisées depuis les années dans les aéroports allemands et elles ne doivent pas être onéreuses au point qu’ADP ne puisse se les payer.

Mais la sûreté, c’est également le contrôle des personnels qui ont accès aux avions. On a bien vu récemment à Charm el Cheikh les conséquences dramatiques qu’un défaut de contrôle pouvait entrainer. D’ailleurs les bombes qui ont détruit les avions de Pan Am, UTA entre autres, ont été mises par les personnels des aéroports. Les failles sont hélas toujours possibles. 210.000 badges de circulation sur les zones aéroportuaires réservées sont délivrés chaque année en France, dont 115.500 à Roissy et 33.200 à Orly. Comment s’assurer que tous ces porteurs de badges ne sont pas animés d’intentions mauvaises ? Certes les procédures de certification sont sérieuses et incluent une enquête préalable sur les porteurs potentiels, mais enfin, des badges provisoires destinés aux intérimaires sont délivrés en une demi-journée. Est-on sûrs que les contrôles aient le temps d’être effectués ?

Et puis l’affaire est beaucoup plus complexe que la sûreté sur les aéroports français dont on peut penser qu’elle est sérieusement exécutée. Les malfaisants ne vont pas essayer de traverser les zones les mieux défendues, ils passeront par des aéroports où les procédures laissent à désirer. Certes des audits sont conduits de temps en temps pour vérifier que les règles édictées par l’OACI  sont bien respectées, mais peut-on examiner en permanence tous les aéroports du monde ?

Au fond, il faudra bien s’habituer à vivre avec un risque permanent. Nous sommes en guerre et le prix à payer est certainement celui de la sûreté. Il est facile de bloquer une économie rien qu’en renforçant de manière drastique les contrôles dans les aéroports. Ce serait la victoire des terroristes mais ce n’est certainement pas ce que nous voulons.

 Jean Louis Baroux