Etihad : Hogan victime de sa désastreuse politique de développement

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Les langues se délient et le regard porté sur Etihad par les experts du transports aériens évolue. Si l'on devait résumer leur état d'esprit, on pourrait écrire sans se tromper que "Sans l'argent de l'Etat, peu de compagnie du Golfe existeraient". Même Emirates qui publie des rapports présentés comme audités le sait : pour exister face aux crises, il faut un réel soutien économique de son gouvernement.

La rumeur a toujours évoqué la crise économique de 2009 à Dubaï en posant une question simple : quelle garantie Dubai a-t-elle donné à Abu Dhabi en échange d'un prêt de 10 milliards de dollars ? La réponse : un bout du capital d'Emirates. Jamais confirmé, jamais démenti.

Mais pour exister, Etihad ne pouvait pas s'appuyer sur cet encombrant héritage. Il fallait qu'elle se développe seule avec un atout de taille : un budget confortable de lancement en 2003 et une aide financière régulière pour faire vivre la compagnie. 14 ans après, rien n'a réellement changé. Le départ de James Hogan vient confirmer l'adage évoqué souvent en boutade par Branson, le patron de Virgin: "Dans le transport aérien, pour devenir millionnaire, c'est facile. Commencez milliardaire puis achetez une compagnie aérienne".

Pourquoi Hogan s'est-il trompé ? Faute d'une stratégie réfléchie, Etihad s'est lancé dans l'acquisition de canards boiteux. En Suisse, en Allemagne et en Italie. Certes, Alitalia pouvait apparaître la plus prometteuse des entreprises mais bizarrement, elle s'est révélée la plus complexe à gérer. On ne travaille pas avec les italiens comme on le ferait avec les anglais. Qatar Airways, compagnie d'Etat, l'a compris très tôt en investissant dans une British Airways gérée de main de maître par Willie Walsh.

Etihad n'a pas mesuré la complexité de la concurrence européenne et n'a vu dans les nouvelles acquisitions qu'un robinet à voyageurs avec, comme point central, Abu Dhabi. Un peu simpliste. D'autant que la compagnie, en tenaille entre Qatar et Emirates, ne sort pas réellement du lot. Le buzz de la fameuse cabine privative fait "bling bling" mais n'est pas destiné aux utilisateurs de la classe affaires que sont les entreprises. Certes, le service est bon, le siège agréable et les salons confortables, mais rien ne ressort de cette offre. Rien de plus que les autres. Pas même les tarifs. Qatar Airways reste plus agressif.

Globalement, les investissements d'Etihad ont engendré 2,5 milliards d'euros de pertes. Air Berlin n'est toujours pas restructurée et se bat dans une compétition sévère avec Lufthansa qui vient pourtant de nouer des liens avec la compagnie d'Abu Dhabi. Les mystères du business.
L'après Hogan qui s'engage verra sans doute quelques sévères décisions, principalement pour Alitalia qui ne devrait pas bénéficier d'une nouvelle aide financière. Mais rien ne dit que la compagnie créée entre Etihad et TUI verra le jour. Enfin, l'annonce d'une suppression de 3.000 postes (1.000 au minimum) n'est pas faite pour gonfler le moral des salariés.

2017 restera une année compliquée pour Etihad, et ses compétiteurs du Golfe, qui sait désormais que l'Eldorado européen annoncé par Hogan ne sera qu'une terre promise. Pas une route sans écueil pavée de fleurs.