Etre là sans y être, le nouveau mal des entreprises

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Pas évident de reprendre le collier après un voyage d’affaires passionnant. Le train-train du bureau parait un peu terne et même si le déplacement professionnel n’est pas un but en soi, la responsabilité et l’indépendance ont du charme ! Réintégrer ses pénates ? Pas simple…

Dans la vie de l’entreprise et de son salarié, le voyage d’affaires n’est pas un choix : il faut aller défendre un dossier, un contrat ou assurer une prestation, cela fait partie du travail. Si les voyages d’un jour rendent ces déplacements fatigants, d’autres s’avèrent plus positifs et stimulants. Résultat, au retour une sorte de boule au ventre, un manque d’envie, limite dépressif. C’est là qu’apparait un nouveau mal, le présentéisme. Oh, rien de douloureux. Mais dans un environnement économique difficile, difficile de s’absenter, prendre des récup, des RTT voire des arrêts maladies en série. Le présentéisme, c’est donc un absentéisme… présent. On est bien là mais sans y être, pas investi et pas motivé. Et ce phénomène s’accentue avec des petits bobos qui n’ont rien de grave comme des réactions allergiques, petits eczémas, rhumes et autres qui, s’ils n’empêchent pas d’aller au travail, nuisent nettement à la concentration.

Pour Philippe Rodet, un ancien médecin urgentiste désormais spécialisé dans la prévention des risques professionnels, le présentéisme est un mal insidieux, et cette "thématique devrait être abordée" dans le cadre de la négociation entre partenaires sociaux engagée depuis vendredi dernier sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle. Une étude de 2009 au Royaume-Uni a calculé que "Les jours perdus attribués au présentéisme étaient 1,5 fois plus importants que ceux attribués à l'absentéisme". L’Agence France Presse signale que la SNCF a signé cet été avec les syndicats un accord, sans doute inédit, formalisant la volonté de l'entreprise de lutter contre le présentéisme en favorisant de façon globale une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie privée, une plus grande mixité du recrutement ou la promotion de l'égalité homme-femme. La direction explique qu'il s'agit notamment de sensibiliser les managers aux risques d'évaluer principalement les cadres « sur la base de leur temps de présence » dans l’entreprise. Ils n’auraient pas besoin de voyageurs d’affaires, à la SNCF ?

Hélène Retout