Faut-il avoir peur de Turkish Airlines ?

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Si j’étais le patron d’une compagnie européenne, j'aurais peut être tendance à faire comme tout le monde et à ne jurer que par la qualité d’Emirates. Mais autant le dire je serais dans le faux. Certes, la compagnie du Golfe a des atouts mais elle a aussi un marketing surdimensionné, une sorte de méthode Coué qui, depuis son lancement, va au-delà de la réalité. C'est bien sûr une bonne compagnie mais, selon moi, moins efficace que Singapore Airlines en matière d’accueil du client et sans aucun doute moins performante que des compagnies plus récentes sur le marché international comme Turkish Airlines. Et je dois dire que si je devais avoir peur, c’est bien de cette dernière.

D’accord les salaires turcs sont moins élevés qu’en France… Mais cela ne suffit pas à créer une compagnie de classe internationale. Pour y arriver, il faut trois chose : de l’envie, encore de l’envie, toujours de l’envie ! Turkish en déborde. Du personnel au sol à celui en cabine. Dans la course au toujours plus de la business, Turkish a trouvé un juste équilibre. Un accueil soigné, un service quasi parfait et un équipage qui montre son plaisir à être à bord. Ce n’est pas grand-chose, et c’est tout à la fois. D’autant qu’il faudra bien trouver le clap de fin de cette course à la business mieux que celle de l’autre! A force d’investir, on finira par oublier que le but de l’avion est d’aller d’un point à un autre, le plus vite possible et avec un rapport prix/confort de qualité. C’est cette vision qu’a adoptée Turkish Airlines. Du raisonnable de très bonne tenue mais pas de superflu.
Commençons par le service. On le retrouve au sol au hub d’Istanbul. Sans doute l’un des meilleurs au monde en ce moment et qui rivalise aisément avec l’excellent salon business de Qatar Airways ou d’Emirates. Bref, une sorte de juste ton entre le trop et le pas assez. Mais au-delà, tout voyageur sait que la santé d’une compagnie se juge à la fréquentation de son hub. Celui d’Istanbul, justement, vers 23 heures est une ruche qui conduit aux quatre coins du monde. Une mini ville avec ses commerces et ses restaurants.
Deuxième enseignement, il faut oser pour réussir. La frilosité est la pire ennemie du transport aérien. Turkish ne manque pas d'ambition et veut s'imposer, visant notamment à être une alternative crédible aux compagnies du Golfe pour se rendre en Asie. Pour la province, tout est bon pour éviter le hub de Paris ! Mais il faut toujours raison garder, et au-delà de ce qui est visible, ce sont les résultats financiers qui servent de juge de paix. Ceux de la compagnie turque s’annoncent bons dans un monde aérien encore bousculé par la crise. Le resteront-ils face aux coups de boutoirs des concurrents ? Seule une boule de cristal bien réglée pourrait nous le dire. D’ici là, une compagnie comme Turkish marque des points sur la qualité face à Air France ou Lufthansa. Est-il difficile de s’en inspirer ?

Marcel Lévy