Franchement, en techno…on n’y comprend plus rien

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Il n’y a pas un jour, une semaine, sans que la presse ne fasse état d’une technologie « renversante » aux capacités exceptionnelles mais pas encore sur le marché car en plein développement. Et pendant des lignes et des lignes, on apprend que la nouveauté aura de telles capacités qu’il sera impossible de ne pas l’installer sur son ordi, son téléphone ou ses objets connectés.

Le voyage d’affaires n’échappe pas à cette règle. Chaque jour, je lis dans DéplacementsPros ou ailleurs des articles consacrés à ces technologies émergentes qui vont "révolutionner" (je cite les journalistes), notre façon de travailler. Un jour on évoque les objets connectés qui prendront des décisions à notre place ou les bots qui nous parlent pour au final... ne rien apporter de bouleversifiant à un déplacement. Je ne parlerais pas ici de la gestion "vocale" du M2M (le machine tout machine) qui oublie qu’un homme est toujours là pour les programmer ou les dizaines de startups dont plus de 80% des solutions abordées me semblent inutiles !

Reprenons les fondamentaux. Qu’est-ce qu’un voyage d’affaires ? Une combinaison de besoins pour aller, au plus vite et au moins cher, d’un point à un autre. Un avion, un hôtel, voire une voiture ou des transferts, souvent sur des destinations fréquentées depuis des années par l’entreprise. Posée ainsi, la problématique est simple. Mais ne vous y fiez pas, car certains ont du talent pour la complexifier.

Autour de ces besoins, il y a des coûts. De l’argent en somme. Quand on est deux ou trois à voyager c’est simple : une colonne en rouge et une en noir, recettes et dépenses sont vite maîtrisées. Là aussi je fais dans le primaire, c’est pour mieux expliquer. Si, comme moi, vous avez un petit millier de voyageurs que les américains appellent les "guerriers de la route" qui utilisent du train, de voiture et d’hébergement, le problème se complexifie. Mais il n’est pas insurmontable. Après tout, il ne s’agit que de process. On sait faire. Dans cette organisation, que je veux volontairement simpliste, il suffit de trouver les bons fournisseurs aux bons endroits pour éliminer 90% de mes soucis d’acheteur. Mais la difficulté reste dans les 10 % que j’ai mis de côté et croyez-moi, la techno n’a rien à m’apporter pour solutionner les soucis.

Je me demande toujours pourquoi les outils existants, que l’on m’a vendu avec moults arguments, ne sont pas toujours capables de bien faire ce pourquoi ils sont faits. Le commercial a une réponse toute faite : "ce sera dans la prochaine version". Traduisez, il y a aura un coût de licence et de la formation. En fait, j’achète de la capacité à complexifier mon système mais toujours pas de solutions efficaces. On croit rêver. Et la techno à débattre avec les spécialistes de la spécialité, comprenez les DSI, c’est impossible à comprendre.

Ma difficulté c’est aussi le voyageur. D’autant plus qu’il est souvent sympa mais perclus d’interrogations. A quelle date partir ? Revenir ? Comment ? Seul ou avec qui ? Bref, organiser un voyage est d’une facilité mais le préparer est une galère. Ne croyez pas qu’il soit stupide au point de ne pas savoir où il va et comment il y va, pas du tout. Lui, ce qu’il veut c’est de l’efficacité, de l’optimisation horaires et il sait parfaitement trouver sa porte d’embarquement et ses itinéraires. Merci pour lui. Il refuse de sortir son portable à tout bout de champ pour avoir une réponse à ses interrogations. Je suis là pour ça. Il me le dit.

Je ne sais pas qui disait à Top Resa que voyageur d’affaires n’est pas un métier. C’est vrai. Mais être acheteur de voyages, oui c’est difficile et rarement de tout repos. Un fournisseur qui comprend que simplifier c’est répondre à nos besoins sans en faire trop sur sa techno ou l’avenir de ses solutions, devient d’une rareté évidente. Et pourtant, toute la chaîne du voyage ne demande qu’une chose, je me répète : de la sim-pli-cité.

Ce matin encore, l’excellent article de Monsieur Julien Chambert, qui aborde pourtant un sujet complexe, la dématérialisation, le traite finalement avec peu de technologies apparentes et rébarbatives au profit d’une solution globale. Mais là, sous cette forme, je salue l’exploit car au final qu’attendent les acheteurs (répétez après moi) : de la sim-pli-cité !

C’est ce dont tout le monde rêve, c’est à l’évidence cette automatisation annoncée du voyage d’affaires… Mais si elle n’est pas totale et sécurisée, elle ne servira à rien. Gérer une demande dérogation, une perte de passeport, un rendez-vous annulé une fois sur place ne saurait s’automatiser.
Le réalisme, c’est d’abord de connaitre et comprendre nos métiers. Et croyez-moi, je compte sur les doigts d’une main les fournisseurs capables de le faire.

Pierre G.

Le texte original a été édité et corrigé par Hélène Retout