Geos analyse les elections en Russie

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Comme à la veille de chaque grand événement, Geos donne son sentiment sur les processus politiques qui se mettent en place dans le monde... En cette veille d'elections en Russie, l'entreprise analyse les risques et détaille la chaîne d'événements qui se sont déroulés ces derniers mois. Une analyse qui permet d'aborder l'avenir en toute connaissance. Nous publions ci dessous, le texte rédigé par le Bureau Veille et Analyse Risque Pays de Geos.

Geos analyse les elections en Russie
L’élection présidentielle qui se tiendra ce dimanche 4 mars dans toute la Russie apparaît comme l’aboutissement d’une campagne agitée qui, malgré l’ombre jetée par les fraudes présumées lors des élections législatives de décembre dernier, semble avoir été le reflet d’une démocratisation croissante du régime politique russe.
Le mois de février a été marqué par des manifestations concurrentes très suivies entre anti et pro Poutine, illustrant la dualité d’une société russe en pleine transformation. La mobilisation lors des nombreuses manifestations organisées depuis le 4 décembre a été exceptionnelle et inattendue, dans un pays où une part non-négligeable de la population ne s’intéresse que modérément aux événements politiques. Démontrant le besoin pressant d’un changement politique fondamental, porté par le rétablissement d’une classe moyenne instruite et ouverte sur le monde extérieur, ce mouvement ne semble cependant pas être parvenu à se cristalliser au sein de structures partisanes, les candidats de l’opposition n’ayant pas réussi à présenter un front uni et cohérent. Les fraudes dénoncées pendant les élections législatives n’ont ainsi que très peu affecté la popularité dont jouit le candidat Vladimir Poutine.

En effet, en dépit des nombreuses manifestations de l’opposition, l’actuel Premier ministre, qui brigue un troisième mandat présidentiel, est donné largement vainqueur dans les sondages. Les électeurs qui lui sont favorables sont essentiellement sensibles à deux problématiques qu’il incarne à merveille : le maintien de l’ordre social, ayant été largement affecté par les années de chaos social et politique de la décennie Eltsine, et la restauration de la grandeur du pays sur la scène internationale, élément crucial dans un pays souffrant d’un complexe de grandeur lié à son Histoire d’ancien Empire. Ainsi, les scénarios de répétition d’une révolution de couleur en Russie, envisagés par l’opposition, effraient ce pan électoral qui leur préfère la promesse formulée par V. Poutine d’un réarmement massif du pays, à travers des investissements de 590 milliards d’euros dans la construction d’un nouveau complexe militaro-industriel pour contrer la politique conjointe de l’OTAN et des Etats-Unis. Le candidat bénéficie donc d’une large base électorale, essentiellement provinciale et aisée.

Si peu de doutes subsistent quant à la réélection de V. Poutine, l’enjeu réside surtout dans le remodelage des forces politiques ainsi que dans le bon déroulement du processus électoral.
En effet, le mouvement de contestation s’ancre dans une classe moyenne urbaine basée essentiellement à Moscou et Saint-Pétersbourg, plutôt jeune, éduquée, dont les conditions de vie se sont considérablement améliorées ces dernières années et qui, par conséquent, ne supporte plus la corruption et les pesanteurs du système, ayant atteint le « plafond de verre » de l’oligarchie. Cependant, l’opposition politique peine à paraître crédible aux yeux des électeurs. Si les partis libéraux pâtissent irrévocablement du souvenir du traitement de choc des années Eltsine, le parti communiste, à travers son expérience de la vie politique et des structures de représentation dont il dispose, apparaît comme la seule force d’opposition partisane viable. Les autres alternatives de cristallisation du mécontentement dans des canaux politiques dits traditionnels sont les nouvelles figures apparues pour la campagne, telles qu’Alexeï Koudrine, l’ex-ministre des Finances, ou le milliardaire russe Mikhaïl Prokhorov. Ces deux hommes, liés à Poutine, ont néanmoins su marquer leurs différences, réconciliant deux types d’aspirations électorales.

Cette campagne a donc été le théâtre du réveil d’une société civile russe, longtemps attendue par les experts occidentaux. Largement favorisée par l’émergence des réseaux sociaux, elle incarne la transformation d’une société qui souhaite à nouveau exprimer ses envies et ses besoins au travers de projets politiques portés par une idéologie propre et dont les perspectives d’avenir ne se résument pas au simple enrichissement monétaire de la population.

Il convient cependant de ne pas sous-estimer le potentiel déstabilisateur des résultats de ces élections. En effet, les figures de l’opposition ont d’ores et déjà programmé des manifestations pour protester contre les résultats, qui selon eux seront quels qu’ils soient illégitimes. La question se pose donc de la gestion de l’après-élection. Selon les observateurs, deux scénarios se profilent : soit un renforcement des tendances autoritaires du régime, soit au contraire une libéralisation et une pluralisation progressives du système, l’articulation de ces deux directions reposant sur l’inclusion de ces nouvelles aspirations au sein d’un système largement dominé par des dynamiques conservatrices.