Grève des Taxis : Valls au pied du mur

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C’est reparti. La dernière date de Juin 2015, particulièrement violente, et a débouché sur l’arrêt d’Uber Pop, service de chauffeurs particuliers. Dans un premier temps, cela semblait suffisant pour restaurer le calme. Tout porte à croire pourtant que celle d’aujourd’hui, 26 janvier, sera pire. Le rythme s’accélère puisque précédemment, les taxis nous avaient habitués à (environ) une grève annuelle depuis l’arrivée des VTC.

Pourquoi ce rythme effréné ? Parce que la rupture auxquels les taxis et taxis motos font face est réellement de grande ampleur. Quand un secteur économique rencontre de tels bouleversements, il attend le salut de tous côtés, y compris en espérant que l’arbitre siffle la fin de la partie. Si par miracle il était possible de sanctuariser l’état de l’industrie du transport urbain tel qu’il était auparavant?  On observera d’ailleurs presque la même attitude, en beaucoup plus discret et moins rigide, de la Grande Remise, voitures avec chauffeurs de luxe. Tous ont un point commun : ils doivent s’adapter très vite pour continuer à faire partie du jeu.

Plus on approche du basculement final et plus les revendications se font extrêmes : « supprimez les VTC » pour FO et Sud. Que va-t-il donc se passer aujourd’hui ?

Côté clients, tout est joué. Le marché est en hyper expansion. Il n’y a plus rien à faire pour arrêter le mouvement, ni même pour le ralentir. Or dans un marché en croissance rapide, les taxis concentrés sur la technologie, le prix et la qualité de service, faisant table rase de la sujétion à G7 létale pour eux, pourraient voir progresser leur business. C’est un vrai challenge certes, car ils ont beaucoup compromis leur image, mais parfaitement jouable. L’augmentation de la « taille du gâteau » entraînée par l’apparition des VTC peut parfaitement profiter aussi aux taxis, qu'ils soient voitures ou navettes motos, tant les clients sont versatiles à rapport qualité / prix égal.

C’est donc du coté de l’offre que la bataille se jouera durant la grève d’aujourd’hui. La seule revendication potentiellement opératoire, la seule manière de freiner SnapCar et les autres, c’est d’empêcher l’arrivée de nouveaux chauffeurs sur le marché. Ne nous laissons pas aveugler, c’est l’unique but de cette grève car aucun autre - fût-il exprimé avec vigueur - n’est réaliste. Vision court-termiste bien sûr, un simple ballon d’oxygène, un mirage supplémentaire. C’est pourtant le sens du baroud d’honneur auquel nous assistons.

Comment devient-on chauffeur VTC ? En 2015, le parcours du combattant passait notamment par l’obligation de suivre 250 heures de formation. Souvent trop cher et trop long pour un jeune chômeur par exemple. En 2016, il faut désormais passer un examen. L’Arrêté Ministériel en préparation, particulièrement dur, impose 110 questions, 6 matières, parmi lesquelles la gestion d’entreprise ou l’anglais, et des notes éliminatoires pour certaines d’entre elles. 3h30 d’examen intensif. Cet Arrêté prévu pour le 31/12/2015 au plus tard... n’est pas sorti ! De sorte que, depuis le 1er Janvier … Il n’y a aucun moyen de devenir chauffeur VTC !

Il existe - existait ? - un autre chemin, la loi LOTI (Loi d’Orientation du Transport Intérieur) qui prévoit également le statut de chauffeur “capacitaire”. En théorie dédié au transport de groupe jusqu’à 9 personnes, il y a depuis toujours une tolérance. Un décret fort opportun daté du 31 Décembre 2014, qui introduit un seuil minimal à 2 passagers, est susceptible d’être utilisé pour les interdire. Cela couperait d’un trait de plume 25% des flottes chauffeurs de l’ensemble des acteurs.

Les taxis vont donc concentrer leurs efforts en vue d’un assèchement du marché, qui serait obtenu de deux manières:
1.    L’arrêt des capacitaires au moyen de contrôles de police
2.    Le renforcement des conditions d’accès à la profession de chauffeur VTC. L’Arrêté Ministériel pourrait soit prévoir des conditions encore plus draconiennes (moins de 3 heures au marathon par exemple), soit mettre des mois à sortir.

C’est d’ailleurs leur logique depuis toujours, cette même logique qui est à l’origine de tous leur maux. Le fameux numérus clausus est le point focal de toute revendication « taxis » qui se respecte: « je ne partage pas ». Revendication de ceux qui sont dans la place contre ceux qui souhaitent y entrer. Ce refus de partager, et rien d’autre, est à l’origine de l’espace gigantesque dans lequel s’engouffrent les acteurs 2.0 du transport urbain.

Quel est alors l’objectif sous-jacent ? un numerus clausus soft côté VTC. Un numerus clausus artificiel, détourné, qui n’annonce pas la couleur.

Il y a de quoi s’inquiéter car historiquement, le Gouvernement a toujours donné satisfaction aux taxis. Pourtant cette fois, les enjeux sont tellement forts que l’erreur serait monumentale :

• Il y a des dizaines de milliers d’emplois à la clé. Peu de secteurs présentent une opportunité aussi massive
• Aux moments où tous les Ministres, sans exception, entonnent le grand air de la Transition Numérique et de ses opportunités nouvelles, quelle contradiction il y aurait à la bloquer dès qu’une opposition d’arrière-garde se fait jour ?
• Enfin faire prévaloir des intérêts corporatistes au détriment de l’intérêt général, est précisément ce qu’il faut cesser de toute d’urgence si on souhaite restaurer la croissance.

Il faudra avoir le courage de dire stop à des revendications qui reviendront inlassablement tant que le principe de réalité ne prévaudra pas. Céder serait mentir à ceux-là mêmes à qui on cède.

Aujourd’hui 26 Janvier, c’est le Gouvernement Valls qui passe l’examen VTC. Et j’ai bien peur qu’il ne se prenne un "zéro éliminatoire"....