Je ne veux pas devenir l’ami d’un vendeur de ventilateur

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Cette semaine, j'ai compté ! J'ai reçu pas moins de 8 mails d'entreprises du voyage me demandant d'être leur nouvel ami sur Facebook. Selon ces "marketeurs" numériques, j'aurais tout à gagner à les rejoindre sur le réseau social. Quoi exactement ? Là, c'est moins clair. Des lots, des infos spéciales et pour certains, la réception en avant première des bons plans de la compagnie ou de l'hôtel. Bref, de la pub en plus dans ma messagerie.

Et quel intérêt réel vais-je retirer de cette nouvelle relation ? Rien, hormis le bonheur de venir grossir le compteur de ces entreprises qui se gargarisent à longueur de temps d'avoir autant d'amis sur internet. Et après ? Personnellement, je ne veux pas être aimé par Air France, British, Lufthansa ou Tam. Je veux juste qu'ils me transportent, dans de bonnes conditions et aux meilleurs prix, là où je veux aller. Que nenni, me disent les pros du e-marketing. Il me faut désormais avoir le sentiment d'appartenir à une communauté (c'est le mot du siècle). Si je m'isole je suis asocial. Pas bon, pas bon. En me "Facebookant", je deviens ami du monde même si je sais que le monde, lui, n'est pas forcément le mien. Désormais, je dois me sentir membre d'un groupe socio professionnel avec qui je partage les mêmes affinités. Voilà qui est juste, je vais donc créer le groupe des "imbéciles qui se lèvent à quatre heures du mat pour prendre un avion à 6" ou celui "des fous furieux qui passent deux heures dans un aéroport pour apprendre que leur vol est retardé". Des groupes comme ceux ci, j'en ai plein à vous proposer. Allez, laissons nous aller, que diriez vous d'être membre du groupe "Je fais le tour de l'Europe en deux jours" ? ou "Je craque à chaque fois qu'on me demande d'enlever mes chaussures à la sécurité car je sais bien que cela ne sert à rien" ?
Si je comprends bien les "marketeurs", il me faut être "ouvert sur les autres" pour réussir. Je me demande néanmoins si l'on ne va pas un peu trop loin dans ce besoin d'enrôler des clients pour soutenir l'image numérique d'une entreprise. D'autant que les retours de bâtons se font aussi sentir : groupes contre telle ou telle compagnie aérienne, chat autour des soucis de tel ou tel hôtel... Bref, ce qui peut devenir le meilleur des mondes a vite fait de se terminer en cauchemar pour les directions commerciales. Le mot juste est venu cette semaine du patron de Jet Blue Airways qui a dit sobrement "Faisons notre travail au sol et dans les airs, avant d'aller voir sur le net si nous avons des amis". Dommage qu'il n'en est pas parlé à son boss du marketing : il a déjà 6271 amis sur Facebook. Pas mal, non ? Mais le sait-il ? Et que fait-il pour ces amis ?

Marcel Lévy