Je peste contre la banalisation de l’A380

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Le 2 juin 2009, en participant au voyage inaugural du premier A380 de Singapore Airlines, j'avais noté avec étonnement le regard des passagers qui montaient pour la première fois dans l'appareil. Je ne tomberais pas dans le lyrisme en comparant cette expérience à celle des Blériot et autres champions de l'aviation, mais je dois reconnaitre qu'il y a toujours un peu d'émotion à découvrir un tel avion. Et tant mieux !

L'aérien, c'est un peu comme les monuments historiques. On peut passer pendant des années devant sans forcément les visiter. Les automobilistes bloqués tous les matins et les soirs devant l'Arc de Triomphe peuvent en témoigner. Que faut-il donc penser de cette banalisation de l'A380 qui fait du voyageur d'affaires un blasé de première. Si je m'acharne sur ce sujet, c'est que je suis étonné de voir à quelle vitesse l'exceptionnel entre dans les mœurs. Un ami, roi du marketing, m'avait expliqué que l'auto radio avait mis 30 ans à s'installer systématiquement dans toutes les voitures, le VHS plus de cinq ans pour trôner dans nos salons, le DVD à peine deux ans pour virer le VHS. Je ne parle pas du MP3 et des autres écrans plats qui trainent dans nos appartements... En fait, ce qui me surprend c'est l'absence d'émerveillement. Un avion... C'est incongru. Des tonnes d'acier qui s'envolent, avouez que c'est toujours une belle aventure. Je sais que bien des scientifiques viendront m'expliquer le pourquoi et le comment de cet envol. Mais qu'importe. S'émerveiller c'est accepter que cet insolite reste étonnant et unique. L'A380 fait partie de cette aventure du ciel et entendre qu'au salon de Singapour, on le banalise comme un MacDo bacon, c'est dommage. D'autant plus que c'est un concurrent qui le fait au moment même où lui aussi met une machine superbe sur le marché. Bref, si tout est bon pour vendre, gardons au moins notre regard d'enfant pour la qualité du spectacle offert. Ce n'est pas une compétition économique qui décolle, c'est aussi et avant tout, le génie humain.

Marc Dandreau