Je suis un spermatozoïde ferroviaire

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Sans tomber dans les détails de mon quotidien, qui n'ont que peu d'intérêt, sachez que je suis devenu un utilisateur "occasionnel" du train de grande banlieue de Paris. Aux heures de pointe, j'avoue que l'expérience vaut le détour. Tout est bataille pour de courtes victoires. Première surprise à Saint Lazare, j'ai l'impression d'être chez Auchan. Que des boutiques. Ouf, la gare est au dessus. Une sorte de cerise sur le shopping.

L'escalator marque le coup d'envoi de la fête. Serré, bousculé par des retardataires, il me faut près d'une minute pour voir la première marche. Malheur à celui qui la manque ! La foule l'avale tout cru. Les jeunes femmes collent leurs fesses aux bords de cet escalier. On m'avait prévenu : sans un mot d'un psychiatre réputé, je suis potentiellement un pervers. Un tâteur de fesses. Moi ? Me voilà enfin sur le quai. Avez-vous remarqué cette petite douleur au cou qu'évoquent les habitués ? Et pour cause, les écrans sont placés très très en hauteur. L'œil se promène entre la liste des trains au départ et le quai qui se noircit. Au bout de quelques minutes, on se croit sur un voilier en pleine tempête. Tout tangue. Mon train est prévu à 19h. A 18h59 toujours pas de quai qui s'affiche. Puis miracle, voilà le chiffre attendu, pire qu'au loto. Toute cette foule à mes côtés guettait en fait le même train que moi. Là commence la course. Nous nous pressons à très vive allure, certains courent. On se bouscule. Dernier virage (non, je ne suis pas en avion). Voilà le train. Comme une mouche sur la vitre, on s'écrase au pied des portes. Le but ? Une place assise. J'ai l'impression d'être une sorte de spermatozoïde ferroviaire. Heureusement que rien ne nait à l'arrivée. Vous imaginez la panique sur le quai si, tous les neufs mois, 3 ou 400 nouveaux voyageurs arrivaient ?. Mais mon aventure n'est pas finie d'autant que le matin, en prenant le train avant que ce ne soit lui qui soit pris d'assaut, j'ai eu une fausse joie. Mes quatre voisins, des habitués, sortent le café. J'ai cru que c'était un nouveau service proposé par Barbara Dalibard et Guillaume Pepy. Que nenni, c'est juste une habitude entre eux, pour eux. Je suis déçu. Le soir, pas de surprise de ce type. C'est un wagon couchette... Sans les couchettes. Mon voisin dort. J'avoue qu'il me bluffe. 10 secondes avant l'arrêt à Pontoise, il se lève spontanément. Je suis admiratif. Comment savait-il qu'il était arrivé ? Bref, une heure et 10 minutes après, je suis à ma gare préférée. J'ai apprécié le temps qui m'était donné pour lire. Aucun de mes voisins ne dormait quand je suis sorti de mon wagon. Pour les autres ? Je ne sais pas ! Y'a pas un contrôleur sur ces trains ?

Marcel Lévy