L’Europe du transport aérien contre le monde entier

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L’histoire pourrait faire sourire si les risques qu’elle sous-entend n’étaient pas, à terme, gravement pénalisants pour le transport aérien européen. A la base, une décision de la communauté qui détermine, pour les compagnies aériennes, des droits à polluer à ne pas dépasser et instaure des taxes au-delà du seuil autorisé.

L’idée est louable car elle vise à protéger la planète des excès écologiques du transport aérien. Mais en cette période économiquement difficile, ce sont près d’une trentaine de pays qui seraient prêts à mettre en place des mesures de rétorsion. L’exemple de la Russie est intéressant. En refusant le passage au-dessus de la Sibérie aux avions européens, elle les conduirait à consommer entre 15 et 30% de carburant supplémentaire pour rejoindre certaines destinations. Idem pour la Chine qui veut taxer les compagnies européennes du même montant que les taxes payées en Europe par les compagnies chinoises. Les menaces ne manquent pas, ce sont environ 31 décisions de ce type que pourraient prendre les opposants à la taxe CO2. À ce jour, les 29 pays, dont plusieurs d’entre eux sont des partenaires économiques de la France, se sont alliées cotre cette idée jugée «dangereuse pour l’équilibre du transport aérien». De son côté, Bruxelles se drape dans sa dignité et refuse d’entendre les grognements des opposants. La Commissaire en charge du Climat, Connie Hedegaard, demande à tous ceux qui ne veulent pas de cette taxe de soumettre des projets visant à lutter contre l’excès de CO2 et ses effets. L’Europe fait même remarquer «qu’aucune contrainte n’a été imposée aux motoristes pour aller plus vite dans la recherche de moteurs d’avions moins polluants». Un sentiment que partage Jean Cyril Spinetta, premier invité du lounge de DéplacementsPros, qui a souligné «le besoin d’une réflexion mondiale sur un sujet difficile». Et IATA d’entrer dans le jeu début février 2012 en précisant que cette taxe représenterait une surcharge de 23,8 milliards de dollars de dépenses supplémentaires pour les huit années à venir. Voilà donc posées les bases du problème. Il est certain que l’Europe devra revoir sa copie. La pression internationale, les mesures de rétorsion et l’image même de l’Europe dans le monde sont en jeu. Se bloquer sur ses positions serait la dernière des solutions. Le jusqu’auboutisme conduit rarement à un échange équilibré, pourtant indispensable ces prochaines semaines.

Marc Dandreau