L’IA est-elle la nouvelle mode du moment pour le voyage d’affaires ?

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En moins de quinze jours, l'intelligence artificielle semble être devenu le sujet n°1 du voyage d'affaires. Si j'en crois mes cours de l'école de commerce, le réalisme et le pragmatisme sont deux qualités indispensables pour le business. Si j'écoute mon expérience d'acheteur, je sais aussi qu'innovation et anticipation sont indispensables à mon quotidien. Mais à l'évidence, ce que je sais ne servira plus à rien avec l'Intelligence Artificielle qui remplacera la mienne, sclérosée par les machines.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'article publié par Monsieur Drezet d'Epsa dans vos colonnes, qui évoque la montée en puissance et le développement de l'intelligence artificielle dans le monde du voyage d'affaires. J'ai beaucoup de mal à savoir si cette technologie en est une à part entière, si ce n'est qu'une mode ou si au contraire, totalement invisible, elle sera cette révolution silencieuse va fortement bousculer mes habitudes de travail.

Ces 5 dernières années, j'ai finalement traversé pas mal de modes. J'ai vécu les coups de boutoirs de l'Open Booking, les attaques sournoises du Door to Door, la montée en puissance de la mobilité sans oublier les évolutions des GDS, des SBT ou des outils de paiements. Globalement, certaines modes se sont imposées et d'autres sont parties dans les oubliettes de l'histoire. Ainsi va la vie de l'entreprise.

Comme beaucoup d'entre vous, j'ai assisté à l'après-midi de conférences d'Univ'AirPlus sur le thème de l'intelligence artificielle et des robots. Personnellement, je n'ai jamais craint la machine qui n'est que le fruit de la réflexion humaine et qui, par définition, ne s'enrichit que de 0 et de 1. Une simple approche binaire de la réflexion. Je reste persuadé que l'homme, malgré tous ses défauts, possède une qualité qu'aucun outil informatique, fut-il évolué, ne pourra atteindre : l'instinct.

Tous les acheteurs le savent, la lecture d'un appel d'offres ne se limite pas à de longues colonnes de chiffres que l'on mouline pendant des heures. La relation que l'on a avec l'entreprise qui le présente et la qualité du contact humain avec les équipes pèsent aussi et pour beaucoup dans les choix définitifs. Alors bien sûr, on peut apprendre à une machine à aimer. Mais à aimer quoi ? Il ne me viendrait pas à l'esprit d'intégrer de nouvelles technologies dans mes process sans avoir longuement discuté avec son développeur, analysé la finalité de l'outil et bien évidemment testé sa qualité auprès de mes équipes. Et encore, une fois ce chemin parcouru, il me faudra prendre la décision de présenter le projet à mon top management, étape indispensable de la "responsabilité collective".

L'autre constat que je fais s'appuie sur ce que mes informaticiens me disent depuis des années : à quoi cela va-t-il servir ? Je dois reconnaître que malgré les batailles féroces que se livrent les achats et la technologie, le patron des services informatiques a une phrase culte, devenue mienne au fil des ans : Pourquoi changer ? Bien évidemment, nous avons tous des réponses toutes faites à cette interrogation. Pire, c'est une insulte à la la créativité et l'innovation indispensable à l'exercice de notre métier. Et pourtant, lorsque l'on réfléchit un instant, et nous le faisons tous, il est évident que la finalité d'un outil est primordiale à toute prouesse technologique, fût-elle la plus avancée.

Autre remarque des "pros du digital", la bonne technologie ne se voit pas, elle est pratique et utile. Elle sait faire et fait sans que l'on ait le moindre besoin de comprendre concrètement comment elle le fait. La encore, je rejoins aujourd'hui cette vision. On peut me traiter de "trouillard", de "rétro", de "passéiste" mais tant que l'on ne m'a pas démontré concrètement où l'on va, tout n'est que discours de spécialistes de la spécialité.

Je ne doute pas que le développement de l'Intelligence Artificielle va me permettre d'apporter à mes voyageurs des solutions transparentes plus qu'indispensable à la qualité de leurs déplacements professionnels. Mais quand, comment, à quel prix ? Et c'est sans doute le reproche que je fais à tous les Cassandre et autres optimistes de nature qui m'expliquent le bien et le mal de l'intelligence artificielle sans détailler les contours et surtout son utilité.

À l'évidence, je sais qu'il me faut aujourd'hui améliorer sensiblement les profils de mes voyageurs et les enrichir de leurs expériences pour me permettre d'optimiser les budgets et anticiper mes achats. J'ai compris que l'IA va me permettre, voire me faciliter, la récolte de ces informations. Je pense également que l'analyse instantanée de mes dépenses, leur consolidation et leur intégration dans ma base de savoir sera un atout de taille. J'ai lu, il y a quelques mois dans votre lettre quotidienne, un article sur les algorithmes de connaissances. Cette « tambouille digitale" qui va m'aider à enrichir mes analyses et surtout à optimiser mon regard sur les offres du marché et les attentes de mes voyageurs. Mais au-delà, il me manque la compréhension indispensable au fonctionnement de l'ensemble.

Ce que j'attends aujourd'hui, autant de mes fournisseurs que des gourous du domaine, c'est une explication simple et claire sur ce qui fait et fera le bouleversement que l'on annonce dans les outils aujourd'hui en place ou en cours de création dans le monde du voyage d'affaires. C'est tout cela qu'il va falloir m'expliquer et me démontrer pour que je considère que l'intelligence artificielle n'en est aujourd'hui qu'à ses débuts et qu'elle sera, demain, indispensable à mon activité professionnelle. Je le pressens, je l'anticipe… Il reste à transformer cette "mode" en un véritable outil de travail.

Alain C.