L’hôtel d’affaires vu par une femme, Doudette

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Ne cherchez pas, Doudette qui s'exprime régulièrement sur son blog, ne veut pas en dire plus sur son entreprise et ses destinations préférées. Pas même son nom. Pour vivre heureux, vivons caché. Qu'importe, elle porte un regard féminin lucide sur les hôtels d'affaires ! Voilà pourquoi nous avons choisi de vous livrer son texte… Sans correction, ni commentaires. Merci Doudette.

L'hôtel d'affaires vu par une femme, Doudette
Dans le cadre de mon nouveau super travail, je suis amenée à voyager et, par un effet de causalité presque automatique, à fréquenter ces lieux hyper normalisés que sont les hôtels d'affaires internationaux. Quelques remarques sur les hôtels d'affaires que ma vie professionnelle m'amène a fréquenter. Non, parce que c'est super hyper important l'hôtel ! C'est la seconde maison pendant une nuit !

1. La chambre

Quand on pénètre dans la chambre, généralement au fond d'un très très très long couloir (vous avez vu Shinning ?), à l'aide d'une carte magnétique re-magnétisée après chaque départ de voyageur éphémère, on entend le bruit assourdissant d'une télévision. Pas de n'importe quelle télévision. La chaîne sur laquelle la télévision est allumée est la chaîne de l'hôtel. La chaîne de télévision de la chaîne internationale d'hôtels à laquelle l'hôtel où se trouve la chambre appartient (Relisez trois fois, vous verrez cette accumulation de mots identiques a une réelle signification). Cette chaîne diffuse une musique de synthétiseur et montre des images de ce que l'hôtel est supposé offrir en termes de services (salle de sport, restaurant, réveil programmé, massages, programmes télévisés payants et, quand on a un peu de chances, piscine). Les images sont chaque fois différentes et pourtant tellement standardisées qu'on sait qu'on les a déjà vues dix fois.

Seconde impression : le froid. Il y a dans l'hôtel d'affaires comme chez Madame SNCF une norme qui veut qu'on perde dix degrés et gagnent douze virus en fréquentant l'endroit. Ma première aventure est donc, irrémédiablement, de trouver le thermostat (en général bien caché derrière une porte) et de le monter au maximum. J'ouvre ensuite toutes les portes de tous les placards à la rechercher de la couverture supplémentaire. Quand ces étapes préalables et indispensables sont enfin accomplies, je peux passer à ma phase préférée.

La découverte de la salle de bains. Dans la salle de bains de l'hôtel d'affaires international, il y a pleins de petites mignardises pour le bain. Chaque fois, j'hésite entre (hi) le plaisir égoïste de conserver le gel douche bleu turquoise et le joli set de manucure pour ma consommation personnelle et (hi hi) la joie prospective d'imaginer le regard émerveillé de mes enfants quand je leur rapporterai le Saint-Graal du voyage d'affaires : le ca-deau ! Je m'extasie sur le débit de l'eau dans la baignoire de l'hôtel d'affaires. Alors que, chez moi, la baignoire peine à se remplir via un filet d'eau anémique, là, dans cet hôtel conçu pour l'efficacité, à peine le temps d'un petit "pissouillou" et la baignoire déborde. C'est magique !

La chambre, c'est bien, mais le mieux dans l'hôtel d'affaires, c'est le bar.

2. Le bar / lobby

Dans l'hôtel d'affaires international, le voyageur esseulé cherche la compagnie de ses semblables. Il se dirige donc, tel un mouton à l'appel de Panurge, vers l'endroit où il pense trouver à la fois des êtres humains et de quoi se sustenter : le bar. Les restaurants d'hôtel sont glauques quand on y mange seul. Les bars, en revanche, sont un lieu de convivialité cosmopolite qui ne sont chaque fois ni tout à fait les mêmes, ni tout à faits autres.

Le Monsieur qui sert au bar est toujours élégant, toujours discret.

Il vous propose à boire dans un anglais de cuisine que tout le monde comprend, vous tend une carte de plats classiques que chaque citoyen du monde a déjà vu quelque part (club sandwich, salade Caesar, omelette, saucisses, frites). Le voyageur est en terrain connu. Il ne peut pas être déçu. Le Monsieur qui sert à boire vous propose également à boire, c'est son métier premier. Le vin au verre a un nom français mais vient de Californie, d'Australie ou du Chili. La bière est irlandaise, allemande ou belge. Le coca-cola est... coca, boisson universelle à la composition secrète qui, où que l'on soit, a le même goût de chimie et de souvenirs.

Dans le bar, vos voisins parlent allemand, anglais, espagnols. Je reconnais quelques mots, je sais, sans même parler la langue, que souvent, ces langues ne sont que des langues de travail, plus petit dénominateur commun d'un groupe de gens dont on devine, à leur silhouette, leurs vêtements ou leurs coiffures qu'ils ne vivent pas dans les mêmes pays. On ne sait dire pourquoi mais on le sent. Même en Europe, où nous sommes tous des européens, nos différences culturelles nous distinguent.

Sur le mur du bar, un écran passe un match de foot, de rugby ou de cricket. Ailleurs, ce sera hockey ou tennis. Le foot, en Europe, rapproche et divise. Très vite, les hommes des nations concernées par le match font plus que jeter un coup d'œil distrait à l'écran. Ils s'intéressent. Ils sont captivés. Et de là, ces hommes, qui ne se seraient jamais adressé la parole dans des conditions différentes, commentent et échangent. Ils s'invectivent en souriant. Ils rient ensemble. A la fin du match, le perdant offrent un verre au gagnant (ou le contraire) et là, dans un hôtel d'affaires, entre gens policés, loin des hooligans du PSG et de Manchester United, des échanges se font, des liens éphémères se créent.

Les femmes ne regardent pas le foot. Mais les femmes ne sont pas nombreuses dans les hôtels d'affaires internationaux. Ceux que je fréquente ne semblent pas fréquentés par la gente féminine, pas même cette engeance qui gagne substance en satisfaisant des plaisirs purement masculins. Ou bien ne les vois-je pas.

Les quelques femmes qui sont là ont l'ordinateur sur la table. Ou un livre. Elles murmurent des mots doux à des enfants lointains dans un téléphone portable. Elles sont fières d'être là, au milieu de cet aréopage masculin et, en même temps, écartelées par la culpabilité d'être loin de leur famille. Parfois, elles n'ont pas de proches auxquels téléphoner ou ne semblent pas en avoir. Elles sont un groupe de femmes, plutôt jeunes, dans un coin du bar. Elles commandent régulièrement un nouveau verre et, à mesure où les verres se succèdent, le volume de leurs voix augmentent et les rires se font plus gras. Elles n'admettrons jamais qu'elles sont saoules. Non, elles "sociabilisent."

3. La nuit d'hôtel

Dans les chambres des hôtels d'affaires internationaux, les lits sont larges, mensurations américaines. Seule dans mon large bed, j'ai posé sur la couette, outre la couverture supplémentaire, mon manteau d'hiver. Trois couches. A peine réchauffée.

J'appelle le Doudou, seul dans notre lit, là bas en France.
- Ça va ?
- Ça va, tu me manques.
- Les enfants ont été sages ?
- Adorables. C'était bien ta réunion ?
- Très.

Et épuisée de m'être levée si tôt (en général, les avions du matin décollent alors que la famille dort encore), je m'endors... dans ma chambre tellement bien isolée qu'un train qui passerait au dehors ne me réveillerait pas.

4. Le petit déjeuner

Ce n'est pas un petit déjeuner, c'est pantagruélique.

Thé ou café ne sont que des données de base.

Le buffet du petit déjeuner de l'hôtel d'affaires international est résumé de tout ce que nous, êtres humains, pouvant être amenés à avaler au petit matin.

Un corner entier de plats chauds (saucisses, bacon, jambon, tomates cuites), des oeufs sous toutes leurs forme (brouillés, plats, durs, coques), des yaourts natures, des yaourts aux fruits, zéro pour cent, lait entier. Des fruits frais, des fruits en compotes, des fruits au sirop. Du pain. Non, des pains. Noir à l'allemande, baguette à la française, bretzel, brioché. Des confitures de tous les fruits, plusieurs beurres et margarines, plusieurs miels. Des céréales adulte, des céréales enfants. Des plats froids (fromages au lait cuit, jambons cru, jambon cuit).

Le journal est à votre disposition. En langue locale ou anglaise.

Le monde s'offre à vous.

C'est le matin, vous n'allez pas toucher au dixième de ce petit déjeuner. Comme d'habitude, parce que vous avez besoin de repères, vous prendrez la même chose que ce que vous prenez chez vous le matin. Et vous serez rassurée. L'habitude rassure.

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