La baisse de l’Euro fait-elle frémir le voyage d’affaires ?

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Le Ministre de l’économie Emmanuel Macron le répétait encore ces derniers jours au micro de RTL: «Un euro moins fort, c’est une compétitivité accrue pour nos entreprises». Si sur le fond l’analyse est juste, sur la forme c’est un peu plus compliqué.

Si l’on en croit les économistes, la baisse sensible de l’euro s’explique principalement par des positions spéculatives à court terme. Dans les faits, l’euro attire toujours les investisseurs institutionnels non-européens. Seul l’arrêt de la spéculation rendrait la baisse de la monnaie européenne véritablement durable. C’est ce qui explique que pour la plupart des spécialistes du commerce international, la légère reprise de la croissance qui s’annonce doit être saisit par les entreprises pour aller chercher de nouveaux marchés dans le monde.

Mais de quelle croissance parle-t-on ? Selon la COFACE, qui analyse les risques financiers des entreprises qui exportent, l’économie mondiale est sur le chemin d’une reprise progressive. Moins vigoureuse qu’elle n’était avant la crise de 2008, la croissance mondiale suit une accélération continue, mais modeste : +3,1% en 2015, après +2,8% en 2014 et +2,7 en 2013. Des légères améliorations sont attendues à la fois dans les pays avancés (de + 1,7 % en 2014 à + 2,1 % en 2015) et dans les pays émergents (de + 4,2 % à + 4,3 %).

Une vision positive pour la relance du voyage d’affaires, même si les constats européens sont moins engageants. Dans la communauté européenne, l’amélioration est plus lente. En zone euro, la croissance devrait atteindre +1,2% en 2015 (après +0,8 en 2014 et -0,4% en 2013). En France et en Italie aussi, on devrait constater une amélioration de la situation financière des entreprises. La Coface anticipe notamment une hausse du taux de marge des entreprises françaises à 31,1% fin 2015, soit le niveau de 2009, grâce à l’application du pacte de responsabilité et à la baisse des prix du pétrole. Enfin, pour la Coface, les entreprises chinoises sont entrées dans une zone dangereuse, d’où la décision de mettre une surveillance négative sur l’évaluation de la Chine : actuellement, les entreprises font face à plusieurs défis et le ralentissement économique se confirme.

Où en sont les voyages d’affaires ?

 «Il est vrai que depuis quelques temps nous avons constaté une hausse sensible de la fréquentation des classes avant», remarque Béatrice de Rotalier, en charge de Delta Airlines en France, «Ce n’est pas le cas pour les classe éco, qui restent toujours en retrait». Même son de cloche chez son partenaire Air France, qui reconnaît que les entreprises semblent de nouveau prêtes à voyager pour aller défendre leurs couleurs dans les pays européens ou à l’international.

Pour les TMC, l'analyse est plus prudente. Laurent Comte - en charge du voyage d'affaires chez CWT - reconnait que "la progression de 2 % des activités au début de l'année 2015 semble se confirmer pour les mois à venir" mais il ajoute prudent qu'il "serait difficile de penser que la fluctuation de l'euro soit seule responsable de ce constat". La tendance est pourtant confirmée en Allemagne où le marché, victime du ralentissement économique de 2014, repart à la hausse depuis la fin décembre 2014. Pour le ministère de l'économie et des finances allemand "la conjoncture de l'euro est un signe fort pour l’export".

Côté Asie, Jet Airways se satisfait également des résultats de sa ligne directe Paris - Mumbai. Une porte ouverte sur les grands marchés indiens. «Les 6 mois d’activité sont bons et si l’on regarde devant nous la tendance est elle aussi correcte», remarque Michel Simiaud, en charge de la compagnie indienne en France.

Pour Alain Marcus, à la tête d’un cabinet de représentation commerciale à Bangkok depuis 9 mois, beaucoup d’entreprises françaises regardent également du côté des sociétés déjà implantées pour appuyer leur développement à l’export. «Nous apportons une connaissance du pays, une économie de déplacements et une connaissance des circuits de vente», précise Alain Marcus. Un constat déjà abordé l’an dernier à l’occasion de la présentation des chiffres EPSA/DéplacementsPros. Matthieu Gufflet, le patron du cabinet d’études, avait alors souligné toute l’ambiguïté qu’il y avait dans l’analyse du voyage d’affaires qui oscillait entre investissements et dépenses.

Si se déplacer est effectivement un investissement pour l’avenir, le voyage lui reste une dépense immédiate que l’entreprise doit gérer. Il semblerait que les tendances constatées sur le terrain donnent raison aux audacieux.