La bataille hôtelière est en cours. Qui seront les premières victimes ?

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Les hôteliers indépendants et franchisés le répètent à l'envie : ils n'acceptent plus la mainmise des comparateur hôtelier sur le marché. Un ras-le-bol un peu tardif qui intervient quelques années après que ces mêmes hôteliers aient souhaité développer leurs canaux de distribution en utilisant directement, ou indirectement, Internet. Aujourd'hui face aux Booking.com, hotel.com et autres sites de ce type, ils n'ont quasiment plus la maîtrise de leur prix et souvent, l'offre Internet affiche un prix inférieur au tarif négocié avec les entreprises.

Faut-il voir dans la bataille qui s'engage une prise de position forte des hôteliers, ou leur simple souhait de renégocier avec les comparateurs des tarifs et des commissions de moins en moins acceptables. Et avec des offres construites selon l'offre low cost de l'aérien, avec des dizaines d'options qui coûtent des points de commission. A la fin de l'année 2012, Accor avait montré du doigt Teldar en précisant que les tarifs négociés entre le groupe hôtelier et les entreprises ne pouvaient être appliqués à d'autres clients. Pas question de les voir ces tarifs redistribués dans la nature sans risquer les foudres du groupe. Teldar avait été très clair : non seulement il ne diffusait pas ces prix mais les franchisés du groupe eux mêmes proposaient des prix comparables aux tarifs corporate négociés. Une petite quadrature du cercle. Mais au-delà de cette affaire, ce sont les hôteliers indépendants qui s'inquiètent d'être devenus des marionnettes aux mains des comparateurs. Il y a quelques jours, à Nantes, un groupe de professionnels a souhaité mettre en place son propre service de vente internet pour éviter de passer sous les fourches caudines des distributeurs en ligne. Son offre, Fairbooking, se met en place avec un site du même nom, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne va pas effrayer les compétiteurs du domaine.
La vraie question qui apparait derrière cette initiative, intéressante, pourrait se résumer d'une façon simple : qui va prendre la marge aujourd'hui grignotée par les comparateurs ? Est-ce le client qui va directement bénéficier d'un tarif plus attractif ? Les entreprises en demanderont-elles plus ? À toutes ces questions, il y a aujourd'hui très peu de réponses. Et pour cause. Pour se passer des comparateur Internet, il faudrait que les hôteliers aient la certitude de ne pas connaître des périodes de faible activité. Aucun d'entre eux ne peut le dire aujourd'hui !
Ce qui est certain, c'est que la bataillée est bien engagée. Et les comparateurs ne sont pas prêts à se laisser faire. Il risque donc d'y avoir un marché à deux vitesses. Celui des hôtels indépendants regroupés au sein d'une structure de communication unique, avec des tarifs yieldés. Et les autres, toujours intégrés au sein des comparateurs, et dont la capacité de négociation sera de plus en plus faible, pour ne pas dire inexistante. Mais dans ce combat, le client est-il réellement gagnant ? Si l'on en croit une étude menée aux États-Unis par le groupe Monsanto, il n'y a pas réellement de règles en matière d'achats hôteliers sauf si la négociation se fait directement avec les hôtels... Et que le prix est lissé à l'année quels que soit les événements. Autant le dire, peu ou pas d'acheteurs peuvent aujourd'hui perdre le temps nécessaires à l'opération pour des gains qui, au final, sont de l'ordre de quelques euros par chambre. On pourrait le dire, l'écrire, et le crier : les comparateurs ont un boulevard devant eux et les quelques initiatives menées aujourd'hui par les indépendants sont pour la plupart vouées à l'échec. Seuls les groupes importants pourront réagir face à cette structuration du marché. Mais le souhaitent-t-ils vraiment ? Rien n'est plus sûr.

Hélène Retout