La commande de trop pour Guillaume Pepy ?

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Les problèmes d'Alstom se sont immiscés dans l'univers de SNCF ! D'un côté, une perte financière qui devrait atteindre 300 millions et de l'autre, un actionnaire unique qui veut prendre la place de Guillaume Pepy. Il n'en fallait pas plus pour faire réagir notre chroniqueur ferroviaire.

On sait depuis des lustres que présider aux destinées de la SNCF est tout, sauf une sinécure. Régulièrement, d’aucuns soulignent que Guillaume Pepy finirait par se lasser des injonctions contradictoires dont il fait l’objet. Une technique de management qui, pour des salariés ordinaires, serait considérée comme pathogène !

Mais là, le patron c’est l’Etat et Guillaume Pepy est, de par sa fonction, l’un de ses serviteurs. Au printemps dernier, histoire de bien mettre les points sur les i, le Secrétaire d’Etat aux transports a bien rappelé en substance que "Il ne peut pas y avoir de désaccord puisque la SNCF appartient aux Français". Cette fois-ci encore, il ne pourrait donc pas y avoir de désaccord du patron de la SNCF avec cette commande de TGV à Alstom ? C’est vite dit, même si l’intéressé n’a encore rien déclaré officiellement. Est-ce que ce ne sera pas la commande de trop ?

Rappel des faits : pour assurer dans l’immédiat et le court terme un plan de charge à l’usine Alstom de Belfort, spécialisée dans l’assemblage des engins de traction, l’Etat va acheter directement, pour quelques 500 millions d’euros, 15 rames TGV dont la SNCF n’a ni les besoins, ni les moyens. Et il va demander à la SNCF d’exploiter ce matériel roulant comme Trains d’Equilibre du Territoire (sous un régime conventionné), en voie classique sur les axes Bordeaux – Marseille et Montpellier- Perpignan.

Loin de nous l’idée de ne pas compatir au sort des 480 salariés d’Alstom à Belfort et de souffler avec eux, bien que ce ne soit peut-être pas pour très longtemps. Car pour assurer la pérennité de l’outil industriel des constructeurs ferroviaires et des emplois qui vont avec, la seule solution durable serait de faire en sorte que le transport ferroviaire reprenne la place que des années d’errements et de défaisance ferroviaire lui ont fait perdre. Qu’on en juge : même Alstom, constructeur de locomotives, fait acheminer par la route, entre ses différentes usines, les éléments à assembler pour obtenir l’engin qui tractera les trains. Autant de commandes de locomotives qui feront ensuite défaut. N’importe comment, des locomotives retirées du service mais encore en état de fonctionnement, il y en a plein garées à Sotteville-les-Rouen ! Comme l’avait révélé le reportage L’Œil du 20 heures sur France 2, le Secrétaire d’Etat et sa Ministre de tutelle s’étaient fendus d’une lettre à Guillaume Pepy pour lui demander quelques explications. C’était le 21 septembre 2015. Il n’y a pas si longtemps.

Au lieu de commander à Alstom des rames TER pour faire du TET, l’Etat va donc commander des TGV. Ce qui revient, au lieu de faire travailler Alstom (atelier de Reichshoffen essentiellement, dans le Bas-Rhin) à faire travailler Alstom… mais à Belfort. Génial !

Au fait, des rames TGV ça passe partout ? Sur n’importe rayon de courbure ? Ce n’est même pas sûr. Après, comme dans l’affaire des trains trop larges pour les quais, on pourra faire haro sur la SNCF et crier au scandale. Prévoir peut-être quelques travaux d’infrastructures, même si SNCF Réseau n’a pas assez de sous pour. Et hors de question de reprendre la dette.

Il aurait été plus pertinent pour Pepy de se faire mettre à disposition des rames Coradia Liner. C’était ce qui était plus ou moins dans les cartons de la SNCF. Est-ce la faute de la SNCF si ces rames - qui auraient bien mieux convenu au renouvellement de son parc Intercités - ne sont pas construites à Belfort ?

En attendant, la SNCF va devoir faire avec et pas qu’un peu. Pendant 30 ans au moins, durée habituelle de vie d’une rame qui vaut quand même quelques 31 millions d’euros l’unité, prix catalogue. Pourquoi se plaindre puisque c’est gratuit ? Ouais, sauf que des Coradias Liner ça allait dans le sens d’un parc homogène pour ce qui n’est pas lignes à grande vitesse, bi-mode en plus (Diesel et électrique) et bicourant (1500 V - 25000 V). Et les agents de conduite de la SNCF, ils savent les conduire. Ce qui n’est pas le cas pour tous quand il s’agit de rames TGV.
Bref, a priori beaucoup de complications dans l’exploitation quotidienne. Et ça, c’est bien le domaine de la SNCF qui aurait justifié qu’on prenne son avis autorisé au lieu de lui imposer une décision que tous les observateurs un peu spécialistes du sujet qualifient d’invraisemblable.

Maintenant, si Henri Poupart-Lafarge, le PDG d’Alstom, veut prendre la place de Guillaume Pepy, il se pourrait bien que le siège puisse être rapidement libre.

PAT