La coordination européenne à l’assaut du volcan, pour montrer ses progrès

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On aurait presque pu croire à une mise en scène, un exercice grandeur nature, voire une mauvaise blague, c’est selon. Quasiment un an après la paralysie du trafic aérien, l’Europe se réveillait le week-end dernier la tête dans les nuages, avec des images étrangement familières : un volcan, des cendres, et des sites islandais aux noms exotiques. Alors que les compagnies aériennes rivalisaient de communiqués de presse pour se féliciter des hausses exceptionnelles du trafic au mois d’avril, "boostées" par un point de référence forcément flatteur, le traumatisme refait surface. Alors, surtout, que l’Europe affichait fièrement sa sérénité retrouvée face à ces désormais célèbres volcans islandais. Coup de chance, un exercice venait justement d’avoir lieu sur le site de Grimsvötn, le volcan qui sème aujourd’hui le doute. Une bonne occasion pour les différents acteurs du dossier de montrer que la leçon a bien été retenue, au risque de perdre une bonne dose de crédibilité.

En tombant dans l’excès, on pourrait considérer que le volcan tombe à pic. Après tout, depuis plusieurs semaines, les messages envoyés par l’Europe à l’occasion de l’anniversaire d’Eyjafjöll affichaient une solide confiance dans les procédures mises en place. Les autorités européennes assuraient avoir progressé – en définissant par exemple des normes internationales pour la concentration de cendres – et peaufinaient leurs réglages dans des exercices pratiques, tandis que les scientifiques islandais y allaient de leur publication, pour assurer que l’attitude adoptée en 2010 était la bonne. Il était donc temps de mettre en pratique ces bonnes résolutions. Le commissaire européen aux Transports Siim Kallas n’a d’ailleurs pas hésité à indiquer le 23 mai : «Ce qui est clair, c’est qu'un an plus tard, les leçons ont été retenues et nous sommes dans une bien meilleure position pour relever le défi d’un [nuage de] cendres sur l’Europe».
Or le principal enseignement que les responsables européens semblent avoir tiré de l’expérience acquise depuis 2010 se résume à une forme de passivité, d’autant plus étrange qu’elle tranche sensiblement avec l’attitude adoptée un an plus tôt. «L’année dernière, nous avons peut-être péché par prudence», résumait ces jours-ci le secrétaire d’Etat aux transports Thierry Mariani, symbole de la nouvelle tendance. Alors que le sacrosaint «principe de précaution» était élevé en dogme incontournable treize mois plus tôt, voilà que les compagnies aériennes semblent désormais chargées de juger par elles-mêmes, ou presque. Siim Kallas évoque d’ailleurs une «approche qui autorise les compagnies aériennes à décider de voler dans les zones touchées par la cendre, sur la base d’un niveau de risque accepté par les autorités nationales compétentes».
Certaines compagnies ont d'ailleurs pris les devants, en préférant se fier à leurs propres données, à l'image d'EasyJet, qui expérimente un détecteur de cendres, pour lequel la nouvelle éruption offrira un bon terrain d'entraînement. La pression des compagnies aériennes, exercée depuis l’an passé et accentuée dès les premières heures du nouvel épisode volcanique, aurait-elle eu l’effet escompté ? Toujours est-il que la coordination européenne, promise depuis Eyjafjöll, reste finalement assez floue. Le seul élément concret réside dans la mise en place d'une cellule de crise, pour éviter les actions isolées, mais dont les mesures manquent encore de visibilité.

On nous prédit un nuage moins contraignant, des cendres moins nocives, et une fermeture de l’espace aérien moins généralisée. La commission européenne multiplie les effets d’annonce, pour écarter l’hypothèse d’une paralysie à l’échelle européenne. On veut y croire. Mais gageons que ces prévisions – ces prédictions ? – se vérifieront, car le dispositif européen semble finalement bien moins solide que ce qui nous était promis. Les Travel Managers ont encore au travers de la gorge la facture du précédent épisode, qui va bien au-delà des simples coûts de l'aérien souvent évoqués : trains, locations de voitures, réservations d'hôtel inopinées, le tout dans un contexte de flambée des prix. Ils pardonneront difficilement une nouvelle cacophonie, d'autant moins compréhensible que l'Europe est censée avoir répété ses gammes.

Florian Guillemin